Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
AVERTISSEMENT DE BEUCHOT.

ayant pour titre : XXVIe Lettre sur l’âme[1] : ce qui rigoureusement porte à vingt-sept le nombre des lettres appelées philosophiques. Cette XXVIe Lettre, détachée du volume (mais non réimprimée), se trouve quelquefois ajoutée à des exemplaires de 1734 des Lettres philosophiques.

La date de 1731, assignée par Jore pour époque de leur première impression, coïncide avec ce que Voltaire écrivait à Cideville le 1er juin 1734. Voltaire se sert des mots il y a quelques années, à propos de l’époque de cette édition de Jore.

Mais s’il est impossible de donner incontestablement la date précise de la première impression, il est, de l’aveu de l’auteur et du libraire, hors de doute qu’elle ait été faite en 1730 ou 1731. Cette impression achevée, Voltaire crut prudent d’en différer au moins l’émission. Il en avait reçu seulement deux exemplaires de Jore, qui cacha soigneusement tout le reste.

Néanmoins, lorsqu’en 1734 on vit circuler une édition franchise des Lettres philosophiques, les soupçons tombèrent sur ce libraire, qui avait donné en 1731, deux éditions de l’Histoire de Charles XII, et dont ainsi les relations avec Voltaire étaient connues. Jore fut donc arrêté et mis à la Bastille : il en sortit au bout de quatorze jours, lorsqu’on eut reconnu qu’il n’avait point dans son imprimerie des caractères pareils à ceux qu’on avait employés pour l’édition saisie des Lettres philosophiques. Malheureusement pour lui, la police découvrit, les 9 juin et 7 juillet, un magasin de livres contraires à l’Église et à l’État, appartenant à Jore ; et vers le même temps une édition des Lettres philosophiques, faite clandestinement par René Josse, libraire à Paris, et Coubray, papetier, probablement de complicité avec Jore. Un arrêt du conseil, du 23 octobre 1734, destitue Jore fils, reçu imprimeur en survivance de son père, René Josse, libraire à Paris, et Duval, dit le Grenadier, imprimeur à Bayeux.

Dès le 10 juin de la même année, le parlement avait aussi rendu un arrêt qui ordonnait que les Lettres philosophiques seraient lacérées et brûlées par l’exécuteur de la haute justice[2]. Le jugement avait été exécuté le même jour, à onze heures du matin.

  1. Il n’est pas inutile de dire que cette même lettre a été reproduite dans un recueil de pièces (la plupart obscènes) : Lettre philosophique, par M.  de V***, avec plusieurs pièces galantes et nouvelles de différents auteurs, 1756, petit in-8o ; 1774, in-8o, etc.
  2. Arrêt de la cour du parlement, qui ordonne qu’un livre intitulé Lettres philosophiques, par M.  de V……, à Amsterdam, chez E. Lucas, au Livre d’or, MDCCXXXIV, contenant vingt-cinq lettres sur différents sujets, sera lacéré et brûlé par l’exécuteur de la haute justice :
    EXTRAIT DES REGISTRES DU PARLEMENT.

    Ce jour, les gens du roi sont entrés, et, maître Pierre Gilbert de Voisins, avocat dudit seigneur roi, portant la parole, ont dit :

    Que le livre qu’ils apportent à la cour leur a paru exiger l’animadversion publique ; qu’il ne se répand que trop, et qu’on sait assez combien il est propre à inspirer le libertinage le plus dangereux pour la religion et pour l’ordre de la