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SOTTISE
DES DEUX PARTS
(1728[1])

Sottise des deux parts est, comme on sait, la devise de toutes les querelles. Je ne parle pas ici de celles qui ont fait verser le sang. Les anabaptistes qui ravagèrent la Vestphalie, les calvinistes qui allumèrent tant de guerres en France, les factions sanguinaires des Armagnacs et des Bourguignons ; le supplice de la Pucelle d’Orléans, que la moitié de la France regardait comme une héroïne céleste, et l’autre comme une sorcière ; la Sorbonne, qui présentait requête pour la faire brûler ; l’assassinat du duc d’Orléans, justifié par des docteurs ; les sujets dispensés du serment de fidélité par un décret de la sacrée faculté ; les bourreaux tant de fois employés à soutenir des opinions ; les bûchers allumés pour des malheureux à qui on persuadait qu’ils étaient sorciers ou hérétiques : tout cela passa la sottise. Ces abominations cependant étaient du bon temps de la bonne foi germanique, de la naïveté gauloise ; et j’y renvoie les honnêtes gens qui regrettent toujours les temps passés.

Je ne veux ici que me faire, pour mon édification particulière, un petit mémoire instructif des belles choses qui ont partagé les esprits de nos aïeux.

Dans le xie siècle, dans ce bon temps où nous ne connaissions ni l’art de la guerre qu’on faisait toujours, ni celui de

  1. Pour classer cet opuscule en 1728, je n’ai d’autre autorité que Duvernet Vie de Voltaire, chapitre vii des premières éditions, chapitre viii de l’édition de 1797). La plus ancienne édition que j’en ai vue est celle qui fait partie du tome IX, publié en 1750, de l’édition des Œuvres de Voltaire, commencée à Dresde en 1748. Le morceau a été reproduit en 1756, dans la troisième partie des Mélanges. (B.)