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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIV.

7° Si vous posez l’un sur l’autre deux corps aussi polis qu’ils puissent être, soit acier, soit étain, soit cristal, vous ne pourrez plus les séparer que difficilement ; et si vous mettez entre eux quelque matière qui remplisse les inégalités de leurs surfaces, comme de la poix, alors vous ne pouvez plus les séparer du tout. Pourquoi ? Parce que les parties de la poix touchent immédiatement les parties de ces verres, qui ne se touchaient pas ainsi auparavant. Alors l’attraction augmente à proportion de la plénitude du contact.

8° Pourquoi les tubes qu’on nomme capillaires attirent-ils dans leur capacité toutes les liqueurs dans lesquelles on les plonge ? Ce n’est pas, encore une fois, l’air qui en est la cause : car la pesanteur de l’air, qui fait monter le mercure à près de 28 pouces dans le baromètre, ne peut le faire du tout dans le tube capillaire ; de plus cette expérience des liqueurs, montant dans cette extrêmement petite capacité, se fait dans la machine pneumatique comme dans l’air. L’éther, la matière subtile n’y ferait pas davantage. Au contraire, elle presserait la cavité de ce tuyau, elle empêcherait l’eau d’y monter.

C’est donc l’attraction seule du haut du verre qui est la cause de ce phénomène. La preuve en est palpable.

1° L’eau monte toujours d’autant plus dans ces tubes capillaires qu’ils sont plus longs ; et l’air, au contraire, ne laisse jamais monter le mercure à plus de hauteur que sa pesanteur n’en détermine, quelque longueur qu’ait le baromètre.

2° L’altération de la pesanteur de l’air, de son élasticité, fait varier la hauteur du mercure dans le même baromètre, et jamais la hauteur de l’eau ne varie dans le même tube capillaire, parce que l’attraction est toujours la même.

Maintenant, si cette force domine sur tous les corps, elle doit entrer pour beaucoup dans une infinité d’expériences de physique et de chimie dont on n’a jamais su se rendre raison.

Les actions des acides sur les alcalis pourraient bien être des chimères philosophiques, aussi bien que les tourbillons. On n’a jamais pu définir ce que c’est qu’un acide et un alcali ; quand on a bien assigné les propriétés de l’un, on trouve à la première expérience que ces propriétés appartiennent aussi à l’autre ; ainsi tout ce qu’on sait jusqu’à présent, c’est qu’il y a des corps qui fermentent avec d’autres corps, et rien de plus. Mais si on songe qu’il y a une force réelle dans la nature, qui opère la gravitation de tous les corps les uns vers les autres, on pourra croire que cette force est la cause de toutes les dissolutions des corps et de leurs plus grandes effervescences.