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EFFETS DE L’ATTRACTION.

au cube de deux lignes qui vaut huit lignes, La pesanteur de chaque boule vers le centre de la terre est donc incomparablement plus grande que leur attraction mutuelle.

3° Mais si les deux boules sont de la dernière petitesse, alors leur diamètre est regardé comme infiniment petit ; toute leur substance se touche presque au point de contact ; la force de l’attraction peut devenir immense par rapport aux autres forces contraires : alors les deux petits corps, joints ensemble, composent un corps massif et continu.

4° Les corps les plus petits sont ceux qui ont le plus de surface, et par conséquent ceux qui auront le plus de points de contact. Les masses des corps solides seront donc composées de molécules plus petites, attirées les unes par les autres.

5° L’attraction agit dans les fluides comme dans les solides. Deux gouttes d’eau, deux globules de mercure, se joignent, et, dans l’instant même, elles ne forment qu’un globule. L’air ne peut en être la cause, puisque le même effet arrive dans la machine purgée d’air. Aucun éther, aucune matière subtile qu’on supposerait presser ces gouttes, ne peut causer cette union : car la prétendue matière subtile ne pourrait presser ces gouttes que sur le plan où elles sont ; elle empêcherait leur contact, en pressant entre deux ; elle les diviserait, les éparpillerait, bien loin de les unir en pressant sur elles.

C’est donc en s’attirant qu’elles se joignent, c’est en s’attirant également l’une et l’autre qu’elles composent un corps rond.

6° Tout solide et tout fluide, étant ainsi soumis à l’attraction, la dureté des corps palpables n’est autre chose qu’une attraction de parties. Plus un métal contient de matière sous un petit volume, plus il est dur ; mais plus il contient de matière, plus chaque partie a un contact immédiat avec sa partie voisine, c’est alors qu’est la plus grande attraction ; qu’on y songe bien. C’est dans le temps éclairé où nous sommes qu’aucun philosophe ne peut rien trouver qui satisfasse sur la cause de la continuité, de l’adhésion, de la cohérence, de la dureté des corps. Je ne m’en étonne pas : ils n’en trouvent point, et n’en trouveront jamais, parce qu’il n’y en a point. Quelque fluide, quelque enchaînement qu’on imagine, il reste toujours à savoir pourquoi les parties de ce fluide, pourquoi ces parties enchaînées sont contiguës. Il faut qu’il y ait une force donnée de Dieu à la matière qui en lie ainsi les parties, et c’est cette force que je nomme attraction ; je l’ai déjà dit, il n’y a point de philosophie qui mette plus l’homme sous la main de Dieu.