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DE LA PÉRIODE.

ment en trente-six mille ans d’occident en orient, et qui faisait, je ne sais comment, rétrograder les étoiles malgré ce premier mobile ; toutes les autres planètes, et le soleil lui-même, faisaient leur révolution annuelle, chacun dans son ciel de cristal ; et cela s’appelait de la philosophie[1] !

Enfin on reconnut dans le siècle passé que cette précession des équinoxes, cette longue période ne vient que d’un mouvement de la terre dont l’équateur, d’année en année, coupe l’écliptique en des points différents, comme on va l’expliquer.

Avant que d’exposer ce mouvement et d’en faire voir la cause, qu’il me soit encore permis de rechercher quelle pourrait être la raison de cette période.

Quelque audace qu’il y ait à déterminer les raisons du Créateur, on semble du moins excusable d’oser dire qu’on devine l’utilité des autres mouvements de notre globe. S’il parcourt d’année en année, dans son grand orbe, environ cent quatre-vingt-dix-huit millions de lieues au moins autour du soleil, cette course nous amène les saisons. S’il tourne en vingt-quatre heures sur lui-même, la distribution des jours et des nuits est probablement un des objets de cette rotation ordonnée par le Maître de la nature.

Il me paraît qu’il y a encore une autre raison nécessaire de ce mouvement journalier : c’est que si la terre ne tournait pas sur elle-même, elle n’aurait aucune force centrifuge ; toutes ses parties, pressées vers le centre par la force centripète, acquerraient une adhésion, une dureté invincible, qui rendrait notre globe stérile.

En un mot, on comprend aisément l’utilité de tous les mouvements de la terre ; mais, pour ce mouvement du pôle en 25,920 années, je n’y découvre aucun usage sensible : il arrive de ce mouvement que notre étoile polaire ne sera plus un jour notre étoile polaire, et il est prouvé qu’elle ne l’a pas toujours été ; l’équinoxe et les solstices changent ; le soleil n’est plus à notre égard dans le bélier à l’équinoxe du printemps, quoi qu’en disent tous les almanachs : il est dans les poissons, et avec le temps il sera dans le verseau. Mais qu’importe ? ce changement ne produit ni saisons nouvelles, ni distribution nouvelle de chaleur et de lumière : tout reste dans la nature sensiblement égal,

  1. Peut-être serait-il plus juste de regarder tout cet édifice des sphères célestes comme des hypothèses imaginées par les astronomes, non pour expliquer le mouvement réel des astres, mais pour calculer leur mouvement apparent ; et il est certain que, dans un temps où l’analyse algébrique était inconnue, ils ne pouvaient choisir un moyen plus simple et plus ingénieux. (K.)