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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.

autre mouvement opposé au soleil, tournent lentement d’occident en orient ; que les planètes sont stationnaires et rétrogrades. Rien de tout cela n’est vrai ; on sait que toutes ces apparences sont causées par le mouvement de la terre.


    fois 1,944,000 années que notre globe peut voir deux fois le soleil se coucher à l’occident, et non pas en 110 siècles seulement, selon le rapport vague des prêtres de Thèbes, et d’Hérodote, le père de l’histoire et du mensonge.

    « Il est encore impossible que ce changement fût fait sans que l’Égypte s’en fût ressentie ; car si la terre, en tournant journellement sur elle-même, eût successivement fourni son année d’occident en orient, puis du nord au sud, d’orient en occident, du sud au nord, en se relevant sur son axe, on voit clairement que l’Égypte eût changé de position comme tous les climats de la terre. Les pluies qui tombent aujourd’hui depuis si longtemps du tropique du capricorne, et qui fertilisent l’Égypte en grossissant le Nil, auraient cessé. Le terrain de l’Égypte se fût trouvé dans une zone glaciale, le Nil et l’Égypte auraient disparu.

    « Platon, Diogène de Laërce, et Plutarque, ne parlent pas intelligiblement de cette révolution ; mais enfin ils en parlent : ils sont des témoins qui restent encore d’une tradition presque perdue.

    « Voici quelque chose de plus frappant et de plus circonstancié. Les philosophes de Babylone comptaient, au temps de l’entrée d’Alexandre dans leur ville, 430,000 ans depuis leurs premières observations astronomiques, l’année babylonienne n’étant que de 300 jours ; mais cette époque de 430,000 ans a été regardée comme un monument de la vanité d’une nation vaincue, qui voulait, selon la coutume de tous les peuples et de tous les particuliers, regagner par son antiquité la gloire qu’elle perdait par sa faiblesse.

    « Enfin les sciences ayant été apportées parmi nous, et s’étant peu à, peu cultivées, le chevalier de Louville, distingué parmi la foule de ceux qui ont fait honneur au siècle de Louis XIV, alla exprès à Marseille, en 1714, pour voir si l’obliquité de l’écliptique y paraissait la même qu’elle avait été observée et fixée par Pythéas, il y avait plus de 2,000 ans. Il trouva cette obliquité de l’écliptique, c’est-à-dire l’angle formé par l’axe de l’équateur et par l’axe de l’écliptique, moindre de 20 minutes que Pythéas ne l’avait trouvée. Quel rapport de cet angle, diminué de 20 minutes, avec l’opinion de l’ancienne Égypte ? avec les 430,000 ans dont se vantait Babylone ? avec une période du monde de près de 2,000,000 d’années, et même, selon l’observation du chevalier de Louville, de plus de 2,000,000 ? Il faut voir l’usage qu’il en fit, et comment il en doit résulter un jour une astronomie toute nouvelle.

    « Si l’angle que l’axe de l’équateur fait avec l’axe de l’écliptique est plus petit aujourd’hui de 20 minutes qu’il ne l’était il y a 20,000 ans, l’axe de la terre, en se relevant sur le plan de l’écliptique, s’en approche d’un degré environ en 6,000 ans.

    « Que cet angle P E soit, par exemple, d’environ 23 degrés 1/2 aujourd’hui, et qu’il décroisse toujours jusqu’à ce qu’il devienne nul, et qu’il recommence ensuite pour accroître et décroître encore, il arrivera certainement que dans 23 fois 1/2 6,000 ans, c’est-à-dire dans 141,000 années, notre écliptique et notre équateur coïncideront dans tous leurs points : le soleil sera dans l’équateur, ou du moins s’en éloignera très-peu pendant plusieurs siècles ; les jours, les nuits, les saisons, seront égaux sur toute la terre. Il se trouve, selon le calcul de l’astronome français, calcul un peu réformé depuis, que l’axe de l’écliptique avait été perpendiculaire à celui de l’équateur, il y a environ 399,000 de nos années, supposé que le monde eût existé alors. Ôtez de ce nombre le temps qui s’est écoulé depuis l’entrée triomphante d’Alexandre dans Babylone, on verra avec étonne-