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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.

cette course, un mouvement dont la période s’accomplit en près de vingt-six mille ans : c’est cette période qu’on appelle la précession des équinoxes ; mais, pour expliquer ce mouvement et sa cause, il faut reprendre les choses d’un peu plus loin.


    leurs vapeurs, cela n’opérerait sur la terre que de la fertilité ; et si elles tombaient dans une distribution égale, elles ne pourraient pas inonder cent toises de surface.

    « Si, pour expliquer physiquement l’inondation universelle, on suppose que toute l’eau des mers s’est répandue sur la terre, on fait une supposition encore plus ridicule : car si l’eau couvre un nouveau terrain, elle abandonne le sien, et laisse à sec précisément autant de terre d’un côté qu’elle en submerge de l’autre. « On compte que la profondeur de la mer, tant sur les côtes, où elle n’est quelquefois que de 4 à 5 pieds, qu’au milieu de l’Océan, où l’on ne peut trouver le fond, est en général de 1,500 pieds ; elle couvre la moitié du globe. Si donc elle avait pu, malgré les lois de la gravitation, se répandre uniformément, tout le globe (dans cette supposition impossible), aurait été caché sous 750 pieds d’eau. Mais les montagnes vers Quito s’élèvent au-dessus du niveau de la mer de plus de dix mille pieds : il aurait donc fallu, pour que le déluge, par les lois de la physique ordinaire, eût couvert toutes les montagnes, qu’il eût excédé partout la hauteur de dix mille pieds. « Or, comme tout notre Océan ne pouvait couvrir le globe que de 750 pieds (en supposant encore qu’il agît contre les lois des liquides), il suit évidemment qu’il aurait fallu, non pas huit océans, comme le dit Burnet, mais plus de quarante océans pour opérer le déluge. C’est donc en vain qu’on veut expliquer par la physique un des plus grands mystères qui confondent notre raison. Il vaudrait beaucoup mieux se borner à dire, avec tous les docteurs des premiers siècles, que la bande rouge de l’arc-en-ciel signifie que le monde périra par le feu, et que la bande bleuâtre signifie qu’il a été submergé. « On voit par là quels usages on peut tirer de la physique newtonienne, je veux dire de la vraie physique. Après avoir examiné la figure de la terre, venons à ses mouvements : commençons par celui qu’on soupçonne former une période de deux millions d’années.

    CHAPITRE XI.
    De la période d’environ deux millions d’années nouvellement inventée. — Premières idées sur cette période. Première idée confuse sur cette période. Mal conçue par Hérodote. Accord du calcul fait à Babylone avec celui du chevalier de Louville.

    « L’Égypte et une partie de l’Asie, d’où nous sont venues toutes les sciences qui semblent circuler dans l’univers, conservaient autrefois une tradition immémoriale, vague, incertaine, mais qui ne pouvait être sans fondement. On disait qu’il s’était fait des changements prodigieux dans notre globe et dans le ciel par rapport à notre globe. La seule inspection de la terre donnait un grand poids à cette opinion.

    « On voit que les eaux ont successivement couvert et abandonné les lits qui les contiennent ; des végétaux, des poissons des Indes, trouvés dans les pétrifications de notre Europe, des coquillages entassés sur les montagnes, rendent, dit-on, témoignage à cette ancienne vérité, et la plupart de ces coquillages, arrangés encore par lits, font voir qu’ils n’ont été ainsi déposés que peu à peu, par des marées régulières, et dans une nombreuse suite d’années.

    « Ovide, en exposant ainsi la philosophie de Pythagore, et en faisant parler