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DE LA FIGURE DE LA TERRE.

pieds de longueur, et il s’agissait ici d’une ligne et un quart, d’une ligne et demie, ou même de deux lignes sur une verge de fer longue de trois pieds huit lignes.

Quelques années après, MM. Varin, Deshayes, Feuillée, Couplet, répétèrent vers l’équateur la même expérience du pendule ; il le fallut toujours raccourcir, quoique la chaleur fût très-souvent moins grande sous la ligne même qu’à quinze ou vingt degrés de l’équateur. Cette expérience vient d’être confirmée de nouveau par les académiciens que M. le comte de Maurepas a fait partir pour le Pérou, et on apprend dans le moment que vers Quito, sur des montagnes où il gelait, il a fallu raccourcir le pendule à secondes d’environ deux lignes[1].

À peu près au même temps, les académiciens qui ont été mesurer un arc du méridien au nord ont trouvé qu’à Pello, par delà le cercle polaire, il faut allonger le pendule pour avoir les mêmes oscillations qu’à Paris : par conséquent la pesanteur est plus grande au cercle polaire que dans les climats de la France, comme elle est plus grande dans nos climats que vers l’équateur. Si la pesanteur est plus grande au nord, le nord est donc plus près du centre de la terre que l’équateur ; la terre est donc aplatie vers les pôles.

Jamais l’expérience et le raisonnement ne concoururent avec tant d’accord à prouver une vérité. Le célèbre Huygens, par le calcul des forces centrifuges, avait prouvé que la pesanteur devait être plus grande à l’équateur qu’aux régions polaires, et que par conséquent la terre devait être un sphéroïde aplati aux pôles. Newton, par les principes de l’attraction, avait trouvé les mêmes rapports à peu de chose près ; il faut seulement observer que Huygens croyait que cette force inhérente aux corps qui les détermine vers le centre du globe, cette gravité primitive est partout la même. Il n’avait pas encore vu les découvertes de Newton ; il ne considérait donc la diminution de la pesanteur que par la théorie des forces centrifuges. L’effet des forces centrifuges diminue la gravité primitive sous l’équateur. Plus les cercles, dans lesquels cette force centrifuge s’exerce, deviennent petits, plus cette force cède à celle de la gravité : ainsi, sous le pôle même, la force centrifuge, qui est nulle, doit laisser à la gravité primitive toute son action.

Mais ce principe d’une gravité toujours égale tombe en ruine par la découverte que Newton a faite, et dont nous avons tant

  1. Ceci était écrit en 1736. (Note de Voltaire.)