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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII.

secrète de la matière, cela peut être sans doute ; mais cette autre propriété sera elle-même l’effet d’une autre propriété, ou bien sera une cause primordiale, un principe établi par l’Auteur de la nature : or, pourquoi l’attraction de la matière ne sera-t-elle pas elle-même ce premier principe ?

Newton, à la fin de son Optique, dit que peut-être cette attraction est l’effet d’un esprit extrêmement élastique et rare répandu dans la nature ; mais alors d’où viendrait cette élasticité ? ne serait-elle pas aussi difficile à comprendre que la gravitation, l’attraction, la force centripète ? Cette force m’est démontrée ; cet esprit élastique est à peine soupçonné ; je m’en tiens là, et je ne puis admettre un principe dont je n’ai pas la moindre preuve, pour expliquer une chose vraie et incompréhensible dont toute la nature me démontre l’existence[1].

Il est bon d’observer ici que de grands géomètres de l’Académie des sciences de Paris croient trouver d’autres rapports de gravitation, entre la lune et la terre, que ceux qui sont assignés par Newton. Je n’entre pas dans cette dispute : elle ne sert qu’à faire voir que la gravitation est une qualité de la nature aussi reconnue que son étendue, et qu’à faire rougir les ignorants qui, se croyant savants, ont osé combattre cette qualité démontrée.


CHAPITRE VII.
Nouvelles preuves et nouveaux effets de la gravitation ; que ce pouvoir est dans chaque partie de la matière ; découvertes dépendantes de ce principe. — Remarque générale et importante sur le principe de l’attraction. La gravitation, l’attraction est dans toutes les parties de la matière également. Calcul hardi et admirable de Newton.


Recueillons de toutes ces notions que la force centripète, l’attraction, la gravitation est le principe indubitable et du cours des planètes, et de la chute de tous les corps, et de cette pesanteur que nous éprouvons dans les corps. Cette force centripète fait graviter le soleil vers le centre des planètes, comme les planètes gravitent vers le soleil, et attire la terre vers la lune comme la lune vers la terre.

  1. On appelle perturbations d’une planète les changements que l’attraction des corps célestes cause dans l’orbite que cette planète aurait décrite, si elle n’avait été attirée que par le soleil ou la planète principale. Newton ne put donner une méthode suffisamment exacte de calculer ces perturbations. Cette méthode n’a été trouvée qu’environ soixante ans après la publication du livre des Principes, par trois grands géomètres du continent, MM. d’Alembert, Euler et Clairaut. (K.)