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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.

cipe. La même cause doit présider au jeu de tous ces ressorts : c’est là l’ordre de la nature. Tous les végétaux se nourrissent par les mêmes lois ; tous les animaux ont les mêmes principes de vie. Quelque chose qui arrive aux corps en mouvement, les lois du mouvement sont invariables. Nous avons déjà vu que la réflexion, la réfraction, l’inflexion de la lumière, sont les effets d’un pouvoir qui n’est point l’impulsion (au moins connue) ; ce même pouvoir se fait sentir dans la réfrangibilité ; ces rayons, qui s’écartent à des distances différentes, nous avertissent que le milieu dans lequel ils passent agit sur eux inégalement. Un faisceau de rayons est attiré dans le verre ; mais ce faisceau de rayons est composé de masses inégales. Ces masses sont donc inégalement attirées ; si cela est, elles doivent donc se réfléchir de ce prisme dans le même ordre qu’ils s’y sont réfractés : le plus réflexible doit être le plus réfrangible.

Ce prisme a envoyé sur ce papier ces sept couleurs ; tournez ce prisme sur lui-même dans le sens A B C, vous aurez bientôt cet angle, selon lequel toute lumière se réfléchira de dedans ce prisme au dehors, au lieu de passer sur ce papier ; sitôt que vous commencez à approcher de cet angle, voilà tout d’un coup le rayon violet qui se détache de ce papier, et que vous voyez se porter au plafond de la chambre (figure 33), Après le violet vient le pourpre ; après le pourpre, le bleu ; enfin le rouge quitte le dernier ce papier, où il est peint, pour venir à son tour se réfléchir sur le plafond. Donc tout rayon est plus réflexible à mesure qu’il est plus réfrangible ; donc la même cause opère la réflexion et la réfrangibilité.

Or la partie solide du verre ne fait ni cette réfrangibilité, ni cette réflexion : donc, encore une fois, ces propriétés ont leur naissance dans une autre cause que dans l’impulsion connue sur la terre. Il n’y a rien à dire contre ces expériences, il faut s’y soumettre, quelque rebelle que l’on soit à l’évidence[1].

  1. Un faisceau lumineux, quelque petit qu’il soit, est composé d’une infinité de rayons différemment réfrangibles. Sans cela, en employant un prisme dont l’angle serait plus grand, on aurait sept cercles séparés, et non une image continue dont les côtés sont sensiblement des lignes droites.

    Il est vrai que ce spectre continu semble n’offrir que sept couleurs distinctes ; le passage d’une couleur à l’autre n’est nuancé que sur un trés-pctit espace, tandis que la couleur parait pure sur une plus grande étendue du spectre. On pourrait donc soupçonner que la sensation de la couleur dépend d’une propriété des rayons, différente de leur degré de réfrangibilité. Newton paraît avoir cru qu’il n’y avait réellement que sept rayons ; il semble souvent raisonner dans cette supposition ; ses premiers disciples l’ont entendu dans ce sens ; cependant, comme il avait