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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.

Chacun d’eux peint sur ce papier la couleur primitive qu’il porte en lui-même. Le premier rayon, qui s’écarte le moins de cette perpendicule du prisme, est couleur de feu ; le second, orangé ; le troisième, jaune ; le quatrième, vert ; le cinquième, bleu ; le sixième, indigo ; enfin celui qui s’écarte davantage de la perpendicule, et qui s’élève le dernier au-dessus des autres, est le violet.

Un seul faisceau de lumière, qui auparavant faisait la couleur blanche, est donc un composé de sept faisceaux, qui ont chacun leur couleur. L’assemblage de sept rayons primordiaux fait donc le blanc.

Si vous en doutez encore, prenez un des verres lenticulaires de lunette, qui rassemblent tous les rayons à leur foyer ; exposez ce verre au trou par lequel entre la lumière : vous ne verrez jamais à ce foyer qu’un rond de blancheur.

Exposez ce même verre au point où il pourra rassembler tous les sept rayons partis du prisme : il réunit, comme vous le voyez, ces sept rayons dans son foyer (figure 32). La couleur de ces sept rayons réunis est blanche : donc il est démontré que la couleur de tous les rayons réunis est la blancheur.

Le noir, par conséquent, sera le corps qui ne réfléchira point de rayons.

Car, lorsqu’à l’aide du prisme vous avez séparé un de ces rayons primitifs, exposez-le à un miroir, à un verre ardent, à un autre prisme : jamais il ne changera de couleur, jamais il ne se séparera en d’autres rayons. Porter en soi une telle couleur est son essence ; rien ne peut plus l’altérer, et pour surabondance de preuve, prenez des fils de soie de différentes couleurs ; exposez un fil de soie bleue, par exemple, au rayon rouge, cette soie deviendra rouge. Mettez-la au rayon jaune, elle deviendra jaune ; ainsi du reste. Enfin ni réfraction, ni réflexion, ni aucun moyen imaginable ne peut changer ce rayon primitif, semblable à l’or que le creuset a éprouvé, et encore plus inaltérable.

Cette propriété de la lumière, cette inégalité dans les réfractions de ses rayons, est appelée par Newton réfrangibilité. On s’est d’abord révolté contre le fait, et on l’a nié longtemps, parce que M. Mariotte avait manqué en France les expériences de Newton. On aima mieux dire que Newton s’était vanté d’avoir vu ce qu’il n’avait point vu que de penser que Mariotte ne s’y était pas bien pris pour voir, et qu’il n’avait pas été assez heureux dans le choix des prismes qu’il employa. Ensuite même, lorsque ces expériences ont été bien faites, et que la vérité s’est montrée à