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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.

distances différentes. Cette propriété est l’inflexion de la lumière[1]. Non-seulement les rayons se brisent en passant dans le milieu dont la masse les attire ; mais d’autres rayons, qui passent dans l’air auprès des bords de ce corps attirant, s’approchent sensiblement de ce corps, et se détournent visiblement de leur chemin. Mettez (figure 27) dans un endroit obscur cette lame d’acier, ou de verre aminci, qui finit en pointe ; exposez-la auprès d’un petit trou par lequel la lumière passe ; que cette lumière vienne raser la pointe de ce métal : vous verrez les rayons se courber auprès en telle manière que le rayon qui s’approchera le plus de cette pointe se courbera davantage, et que celui qui en sera le plus éloigné se courbera moins à proportion. N’est-il pas de la plus grande vraisemblance que le même pouvoir qui brise ces rayons quand ils sont dans ce milieu, les force à se détourner quand ils sont près de ce milieu ? Voilà donc la réfraction, la transparence, la réflexion, assujetties à de nouvelles lois. Voilà une inflexion de la lumière qui dépend évidemment de l’attraction. C’est un nouvel univers qui se présente aux yeux de ceux qui veulent voir.

Nous montrerons bientôt qu’il y a une attraction évidente entre le soleil et les planètes, une tendance mutuelle de tous les corps les uns vers les autres. Mais nous avertissons encore ici d’avance que cette attraction, qui fait graviter les planètes sur notre soleil, n’agit point du tout dans les mêmes rapports que l’attraction des petits corps qui se touchent. Ce sont même probablement des attractions de genres absolument différents. Ce sont de nouvelles et différentes propriétés de la lumière et des corps que Newton a découvertes. Il ne s’agit pas ici de leur cause, mais simplement de leurs effets ignorés jusqu’à nos jours. Qu’on ne croie point que la lumière est infléchie vers le cristal et dans le cristal suivant le même rapport, par exemple, que Mars est attiré par le soleil[2].

  1. C’est la diffraction. Les lois de ce phénomène et sa théorie complète sont dues à Fresnel. (D.)
  2. Jusqu’ici l’on n’a pu rien découvrir sur les lois de l’attraction à de très-petites distances. C’est dans l’examen des phénomènes de la cristallisation que l’on pourra trouver un jour ces lois ; mais jusqu’ici ces phénomènes n’ont pas même été suffisamment observés pour qu’on puisse connaître la manière dont s’exécute cette opération. M. l’abbé Haüy vient de donner sur la formation des cristaux plusieurs mémoires qui ont répandu un grand jour sur cette matière importante. Cependant on est peut-être encore bien éloigné d’en savoir assez pour pouvoir y appliquer le calcul, et connaître les lois de la force attractive qui préside à la cristallisation. (K.)