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DE L’ATTRACTION.

Celui de la réfraction, dont nous allons reprendre l’examen, n’est pas moins surprenant.

Commençons par nous bien affermir dans une idée nette de la chose qu’il faut expliquer. Souvenons-nous bien que, quand la lumière tombe d’une substance plus rare, plus légère, comme l’air, dans une substance plus pesante, plus dense, comme l’eau, et qui semble lui devoir résister davantage, la lumière alors quitte son chemin, et se brise en s’approchant d’une perpendicule qu’on élèverait sur la surface de cette eau.

M. Leclerc, dans sa Physique, a dit tout le contraire, faute d’attention. En son livre V, chapitre viii : « Plus la résistance des corps est grande, dit-il, plus la lumière qui tombe dans eux s’éloigne de la perpendicule. Ainsi le rayon s’éloigne de la perpendicule en passant de l’air dans l’eau. »

Ce n’est pas la seule méprise qui soit dans Leclerc ; et un homme qui aurait le malheur d’étudier la physique dans les écrits de cet auteur n’aurait guère que des idées fausses ou confuses.

Pour avoir une idée bien nette de cette vérité, regardez ce rayon qui tombe de l’air dans ce cristal (figure 24).

Vous savez comme il se brise. Ce rayon A E fait un angle avec cette perpendiculaire B E en tombant sur la surface de ce cristal. Ce même rayon, réfracté dans ce cristal, fait un autre angle avec cette même perpendiculaire qui règle sa réfraction. Il fallut mesurer cette incidence et ce brisement de la lumière. Il semble que ce soit une chose fort aisée ; cependant le géomètre arabe Alhazen, Vitellio, Kepler même, y échouèrent. Snellius Villebrod est le premier, au rapport d’Huygens, témoin oculaire, qui trouva cette proportion constante dans laquelle la lumière se rompt dans des milieux donnés. Il se servit des sécantes. Descartes se servit ensuite des sinus, ce qui est précisément la même proportion, le même théorème, sous d’autres noms. Cette proportion est très-aisée à entendre de ceux qui sont les plus étrangers dans la géométrie.

Plus la ligne A B que vous voyez est grande, plus la ligne C D sera grande aussi. Cette ligne A B est ce qu’on appelle sinus d’incidence. Cette ligne C D est le sinus de la réfraction[1]. Ce n’est pas ici le lieu d’expliquer en général ce que c’est qu’un sinus. Ceux qui ont étudié la géométrie le savent assez. Les autres pourraient être un peu embarrassés de la définition. Il suffit de bien savoir

  1. À cette condition toutefois que A E et E D seront égales. (D.)