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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE V.

Ce fut Jean-Baptiste Porta, Italien, qui, en 1560, développa le premier les véritables causes de la vue, et, par la simple expérience d’un drap blanc exposé à un rayon de soleil dans une chambre obscure[1], soupçonna qu’il devait arriver dans l’œil la même chose que dans cette chambre. Il n’osa pas imaginer que les rayons pénétraient jusqu’à la rétine ; il crut que les objets se peignaient sur le cristallin, et tout le monde le crut avec lui, jusqu’à ce qu’enfin Kepler et Descartes expliquèrent tout l’artifice de la vision, toutes les réfractions qui s’opèrent dans nos yeux, et ce qui rend la vue courte, et ce qui peut l’aider. Le docteur Hooke, précurseur de Newton, parvint depuis jusqu’à faire voir par l’expérience qu’il faut qu’un objet, pour être aperçu, trace au moins sur la rétine une image qui soit la huit-millième partie d’un pouce.

La structure des yeux ainsi développée seulement pour l’usage de l’optique, on peut connaître aisément pourquoi on a si souvent besoin du secours d’un verre, et quel est l’usage des lunettes.

Souvent un œil sera trop plat, soit par la conformation de sa cornée, soit par son cristallin, que l’âge ou la maladie aura desséché ; alors les réfractions seront plus faibles et en moindre quantité, les rayons ne se rassembleront plus sur la rétine. Considérez cet œil trop plat, que l’on nomme œil de presbyte.

Ne regardons, pour plus de facilité, que trois faisceaux, trois cônes des rayons, qui de l’objet tombent sur cet œil ; ils se réuniront aux points A A A, par delà la rétine : il verra les objets confus (figure 9).

La nature a fourni un secours contre cet inconvénient, par la force qu’elle a donnée aux muscles de l’œil d’allonger ou d’aplatir l’œil, de l’approcher ou de le reculer de la rétine. Ainsi dans cet œil de vieillard, ou dans cet œil malade, le cristallin a la faculté de s’avancer un peu, et d’aller vers D D ; alors l’espace entre le cristallin et le fond de la rétine devient plus grand, les rayons ont le temps de venir se réunir sur la rétine, au lieu d’aller au delà ; mais lorsque cette force est perdue, l’industrie humaine y supplée : un verre lenticulaire est mis entre l’objet et l’œil affaibli. L’effet de ce verre est de rapprocher les rayons qu’il a reçus ; l’œil les reçoit donc, et plus rassemblés, et en plus grand nombre ils viennent aboutir à un point de la rétine comme il le faut alors la vue est nette et distincte.

Regardez cet autre œil, qui a une maladie contraire (figure 10) ; il est trop rond : les rayons se réunissent trop tôt, comme vous

  1. C’est la chambre noire. (D)