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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I.

Le fameux Hooke, si connu par sa Micrographie, entreprit de résoudre le problème : il fut suivi de l’astronome Flamstead, qui avait donné la position de trois mille étoiles ; ensuite le chevalier Molineux, avec l’aide du célèbre mécanicien Graham, inventa une machine pour servir à cette opération : il n’épargna ni peines, ni temps, ni dépenses ; enfin le docteur Bradley mit la dernière main à ce grand ouvrage.

La machine qu’on employa fut appelée télescope parallactique. On en peut voir la description dans l’excellent Traité d’optique de M. Smith. Une longue lunette suspendue, perpendiculaire à l’horizon, était tellement disposée qu’on pouvait avec facilité diriger l’axe de la vision dans le plan du méridien, soit un peu plus au nord, soit un peu plus au sud, et connaître par le moyen d’une roue et d’un indice, avec la plus grande exactitude, de combien on avait porté l’instrument au sud ou au nord. On observa plusieurs étoiles avec ce télescope, et entre autres on y suivit une étoile du dragon pendant une année entière.

Que devait-il arriver de cette recherche assidue ? certainement si la terre, depuis le commencement de l’été jusqu’au commencement de l’hiver, avait changé de place, si elle avait parcouru ces soixante et six millions de lieues, le rayon de lumière qui avait été dardé six mois auparavant dans l’axe de vision de ce télescope devait s’en être détourné ; il fallait donc imprimer un mouvement nouveau à ce tube pour recevoir ce rayon, et on savait, par le moyen de la roue et de l’indice, quelle quantité de mouvement on lui avait donnée, et, par une conséquence infaillible, de combien l’étoile était plus septentrionale ou plus méridionale que six mois auparavant.

Ces admirables opérations commencèrent le 3 décembre 1725 : la terre alors s’approchait du solstice d’hiver ; il paraissait vraisemblable que si l’étoile pouvait donner, dès le mois de décembre, quelque marque d’aberration, elle paraîtrait jeter sa lumière plus vers le nord, puisque la terre, vers le solstice d’hiver, allait alors au midi. Mais, dès le 17 décembre, l’étoile observée parut être avancée dans le méridien vers le sud. On fut fort étonné[1]. On avait

  1. Picard, longtemps auparavant, en cherchant de même la parallaxe du grand orbe, trouva aussi dans l’étoile polaire un mouvement apparent en sens contraire de celui que la parallaxe aurait dû causer. Roemer, qui, en cherchant la même parallaxe, observa aussi ces mouvements des étoiles, n’imagina point de les expliquer par le mouvement progressif de la lumière, qu’il avait découvert. Il ne s’agissait cependant que de cette remarque fort simple. Si le temps que la lumière met à traverser l’orbite terrestre retarde l’apparition d’un phénomène, il doit influer également sur le lieu apparent des étoiles. (K.)