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DE LA FORCE ACTIVE.

ce serait une contradiction ; il faut donc qu’une cause immatérielle produise le mouvement. Dieu est cette cause immatérielle, et on doit ici bien prendre garde que cet axiome vulgaire : Qu’il ne faut point recourir à Dieu en philosophie, n’est bon que dans les choses que l’on doit expliquer par les causes prochaines physiques. Par exemple, je veux expliquer pourquoi un poids de quatre livres est contre-pesé par un poids d’une livre : si je dis que Dieu l’a ainsi réglé, je suis un ignorant ; mais je satisfais à la question si je dis que c’est parce que le poids d’une livre est quatre fois autant éloigné du point d’appui que le poids de quatre livres. Il n’en est pas de même des premiers principes des choses : c’est alors que ne pas recourir à Dieu est d’un ignorant, car ou il n’y a point de Dieu, ou il n’y a de premiers principes que dans Dieu.

C’est lui qui a imprimé aux planètes la force avec laquelle elles vont d’occident en orient ; c’est lui qui fait mouvoir ces planètes, et le soleil sur leurs axes.

Il a imprimé une loi à tous les corps, par laquelle ils tendent tous également à leur centre. Enfin il a formé des animaux auxquels il a donné une force active avec laquelle ils font naître du mouvement.

La grande question est de savoir si cette force donnée de Dieu pour commencer le mouvement est toujours la même dans la nature.

Descartes, sans faire mention de la force, avançait sans preuve qu’il y a toujours quantité égale de mouvement ; et son opinion était d’autant moins fondée que les lois mêmes du mouvement lui étaient absolument inconnues.

Leibnitz, venu dans un temps plus éclairé, a été obligé d’avouer, avec Newton, qu’il se perd du mouvement ; mais il prétend que, quoique la même quantité de mouvement ne subsiste pas, la force subsiste toujours la même.

Newton, au contraire, était persuadé qu’il implique contradiction que le mouvement ne soit pas proportionnel à la force.

Avant que d’entrer sur cela dans aucune discussion mécanique, il faut prendre les choses dans leur nature même : car le métaphysicien doit toujours conduire le géomètre. Un homme a une certaine quantité de force active ; mais où était cette force avant sa naissance ? Si on dit qu’elle était dans le germe de l’enfant, qu’est-ce qu’une force qu’on ne peut exercer ? Mais quand il est devenu homme, n’est-il pas libre ? ne peut-il pas employer plus ou moins de sa force ? Je suppose qu’il exerce une force de trois