Dans ce pays-ci comme ailleurs il y a beaucoup de cette folie humaine qui consiste en contradictions[3]. Je comprends dans ce mot les usages reçus tout contraires à des lois qu’on révère. Il semble que, chez la plupart des peuples, les lois soient précisément comme ces meubles antiques et précieux que l’on conserve avec soin, mais dont il y aurait du ridicule à se servir.
Il n’y a, je crois, nul pays au monde où l’on trouve tant de contradictions qu’en France. Ailleurs, les rangs sont réglés, et il n’y a point de place honorable sans des fonctions qui lui soient attachées. Mais en France un duc et pair ne sait pas seulement la place qu’il a dans le parlement[4]. Le président est méprisé à la cour, précisément parce qu’il possède une charge qui fait sa grandeur à la ville. Un évêque prêche l’humilité (si tant est qu’il prêche), mais il vous refuse sa porte si vous ne l’appelez pas Monseigneur[5]. Un maréchal de France, qui commande cent mille hommes et qui a peut-être autant de vanité que l’évêque, se contente du titre de Monsieur. Le chancelier n’a pas l’honneur de manger avec le roi ; mais il précède tous les pairs du royaume.
Le roi donne des gages aux comédiens, et le curé les excommunie. Le magistrat de la police a grand soin d’encourager le peuple à célébrer le carnaval ; à peine a-t-il ordonné les réjouissances qu’on fait des prières publiques, et toutes les religieuses se donnent le fouet pour en demander pardon à Dieu. Il est
- ↑ Ce fragment semble avoir fait partie d’une lettre écrite d’Angleterre. (K.) — Les éditeurs de Kehl sont, je crois, les premiers qui aient publié ce morceau, qu’ils avaient placé dans la Correspondance générale.
- ↑ Ou 1728.
- ↑ Voyez l’article Contradictions, tome XVIII, page 251.
- ↑ Voyez tome XVI, page 58.
- ↑ En France, le monseigneur est une terrible affaire, dit Voltaire ; voyez l’article Cérémonies, tome XVIII, page 108.