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LE PRÉSERVATIF.


IV.

Nombre 199. En rendant compte d’une hypothèse de M. l’abbé de Molières, il dit que « ce physicien se conforme aux expériences de Newton ; par exemple, que les corps parcourent, en tombant, quinze pieds dans la première seconde, et qu’à des distances différentes du centre de la terre, le même mobile n’aurait pas le même degré de vitesse accélératrice ».

Il y a ici trois fautes. Newton n’a point trouvé par expérience que les corps tombent de quinze pieds dans la première seconde : c’est Huygens qui a déterminé cette chute dans ses beaux théorèmes sur le pendule, après que Galilée en eut donné une valeur approchée par des expériences directes, mais moins précises. Secondement, ce n’est qu’à des distances très-considérables et inaccessibles aux hommes que cette différence serait sensible. Troisièmement, cette différence de la force accélératrice à des distances différentes n’est fondée sur aucune expérience, mais sur une démonstration géométrique. Voilà les bévues où l’on s’expose quand on veut juger de ce qui n’est pas à notre portée.

Nombre 17. L’Observateur rapporte une ancienne dispute littéraire entre M. Dacier et le marquis de Sévigné, au sujet de ce passage d’Horace[1] :

Difficile est proprie communia dicere…

Il rapporte le factum ingénieux de M. de Sévigné : « Et pour M. Dacier, dit-il, il se défend en savant, et c’est tout dire : des expressions maussades et injurieuses font les ornements de son érudition. »

Il y a dans ce discours de l’Observateur trois fautes bien étranges.

Premièrement, il est faux que ce soit le caractère des savants du siècle de Louis XIV d’employer des injures pour toutes raisons.

Secondement, il est très-faux que M. Dacier en ait usé ainsi avec le marquis de Sévigné : il le comble de louanges, et il conclut son mémoire par lui demander son amitié ; apparemment que l’Observateur n’a pas lu cet écrit.

  1. Art poétique, 128.