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OBSERVATIONS
SUR
MM. JEAN LASS, MELON ET DUTOT
SUR
LE COMMERCE, LE LUXE, LES MONNAIES, ET LES IMPÔTS[1].
(1738)

On entend mieux le commerce en France depuis vingt ans qu’on ne l’a connu depuis Pharamond jusqu’à Louis XIV. C’était auparavant un art caché, une espèce de chimie entre les mains de trois ou quatre hommes qui faisaient en effet de l’or, et qui ne disaient pas leur secret. Le gros de la nation était d’une ignorance si profonde sur ce secret important qu’il n’y avait guère de ministre ni de juge qui sût ce que c’était que des actions, des primes, le change, un dividende. Il a fallu qu’un Écossais, nommé Jean Lass, soit venu en France, et ait bouleversé toute l’économie de notre gouvernement pour nous instruire. Il osa, dans le plus horrible dérangement de nos finances, dans la disette la plus générale,

  1. Voltaire, dans une lettre à Thieriot de juin 1738, lui annonce qu’il va dévorer le livre fait par Dutot, en réponse à feu M. Melon. On peut donc croire que c’est vers ce temps qu’il rédigea ses remarques sur cet ouvrage. Une note de Voltaire, ajoutée en 1756, assigne l’année 1738 pour composition de ce morceau, qui parut en 1738 dans le tome XV du Pour et Contre, page 296, et en 1739, avec quelques corrections, dans le tome XXIX de la Bibliothèque française, sous le titre de : Lettre de M. de Voltaire à M. Thiriot, sur le livre de M. Dutot. Dans un tome VI, daté de 1745 des Œuvres de M. de Voltaire, à Amsterdam, chez Étienne Ledet et compagnie, la lettre est divisée en deux, et présente d’assez grands changements pour que les éditeurs de 1775 aient cru devoir reproduire séparément les deux versions. Les éditeurs de Kehl avaient refondu le tout. J’ai mis on variantes les morceaux qui avaient été repris par les éditeurs de Kehl. (B.)