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VIE DE M. J.-B. ROUSSEAU.

trompait en cela visiblement : car, sans parler de la comédie inimitable du Joueur[1] de l’excellente pièce du Grondeur[2], de l’Esprit de contradiction, du Double Veuvage[3], de la Pupille[4], nous avons eu en dernier lieu le Glorieux, de M. Destouches, ci-devant ministre du roi à Londres, et le Préjugé à la mode, de M. de La Chaussée, qui sont de très-bons ouvrages dans leur genre, et infiniment goûtés, surtout le Glorieux. À l’égard de la tragédie, nous ne conviendrons pas aisément que Manlius[5], Ariane[6], Électre, Rhadamiste[7], Œdipe, Brutus, Zaïre, Alzire, Maximien[8], soient des pièces médiocres.

Les trois épîtres de Rousseau se sentaient de sa vieillesse : parmi quelques traits forts et bien tournés, on remarquait ce style dur et dépourvu de grâces, qui caractérise d’ordinaire l’épuisement d’un homme avancé en âge. Ce qu’il y avait de pis, c’est qu’en prétendant donner des règles du théâtre, il composa dans ce temps-là même une comédie intitulée les Aïeux chimériques[9], qui est dans le goût de la pièce du Café ; c’était en quelque façon retomber en enfance,

La comédie des Aïeux chimériques fut totalement oubliée en naissant ; mais les trois épîtres causèrent une nouvelle guerre sur le Parnasse. Un nommé l’abbé Guyot-Desfontaines, qui faisait une espèce de gazette littéraire (homme extrêmement caustique, bon littérateur, mais manquant de finesse et du goût), fit un éloge outré de ces nouvelles satires, et aggrava encore le coup que Rousseau voulait porter aux auteurs modernes. On répondit par plusieurs pièces à Rousseau et à ce Desfontaines ; mais ce qu’il y eut de plus vif et de plus emporté, ce furent deux pièces attribuées à M. de Voltaire. L’une est une Ode sur l’ingratitude[10], et l’autre une espèce d’allégorie et de conte[11]. Je ne sais si effectivement le conte est de M. de Voltaire ; mais pour l’ode, elle est sûrement de sa façon, et Il est difficile de l’y méconnaître. Il est triste qu’un

  1. De Regnard.
  2. Par Brueys et Palaprat.
  3. L’Esprit de contradiction et le Double Veuvage sont de Dufresny.
  4. Par Fagan.
  5. Par La Fosse.
  6. Par Thomas Corneille.
  7. Électre et Rhadamiste sont de Crébillon.
  8. Tragédie de La Chaussée, jouée le 28 février 1738, qui eut vingt-deux représentations de suite.
  9. Les Aïeux chimériques, imprimés en 1735, n’ont jamais été joués.
  10. Voyez cette ode, tome VIII.
  11. La Crépinade. Voyez cette pièce, tome X.