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ET SUR SA PROPAGATION.

Même quantité d’huile bouillante, mêlée avec même quantité de vinaigre, le fait monter à 51 degrés : c’est 6 degrés de chaleur plus que le mélange d’huile et d’eau n’en donne, et cependant le vinaigre seul bouillant n’est pas plus chaud que l’eau bouillante[1].

J’ai préparé des expériences sur la quantité de chaleur que les liqueurs communiquent aux liqueurs, les solides aux solides, et j’en donnerai la table si messieurs de l’Académie jugent que cette petite peine puisse être de quelque utilité.

Il y aurait plus d’avantage à connaître en quelle proportion le feu se communique dans les incendies ; cette proportion dépend principalement du vent qui règne : le feu allumé dans une forêt n’est nullement à craindre, quelque violent qu’il soit, quand l’air est entièrement calme. J’en ai fait l’expérience sur un terrain de 80 pieds de long, et de 20 de large, lequel je fis couvrir de bois taillis debout nouvellement coupés, entremêlés de baliveaux : je fis allumer avec de la paille toute la surface de 20 pieds ; l’air était sec et entièrement calme ; le feu en une heure ne consuma que 20 pieds sur 80, après quoi il s’éteignit de lui-même ; mais le lendemain, par un grand vent qui faisait plus de vingt-cinq pieds par seconde, la même étendue de bois, c’est-à-dire de 80 pieds de long sur 20 de large, fut entièrement consumée en une heure[2].

ARTICLE V.
ce que c’est que l’aliment du feu, et ce qui est nécessaire pour qu’un corps s’embrase et demeure embrasé.

Ce qu’on nomme le pabulum ignis, l’aliment du feu, est ce qu’il y a de combustible dans les corps. Qu’entend-on par combustible ? Si on entend la division, la séparation des parties, tout mixte peut-être ainsi divisé tôt ou tard par le feu, et tout mixte est entièrement combustible ; les éléments même le sont aussi : le feu divise et l’air principe, et l’eau et la terre principes.

Si on entend par aliment du feu, par ce mot combustible, des

  1. Ces expériences sont curieuses ; elles tendent au même but que celles de MM. Scheele, Black, Crawford, dont nous avons déjà parlé. Elles prouvent que les différents corps, mêlés ensemble, ne prennent point la température qu’ils devraient acquérir si les particules de feu qu’ils contiennent s’y répandaient proportionnellement à leurs masses. (K.)
  2. En mettant à part ce qui est relatif à la propagation des incendies, il y a dans cette dernière partie le germe de la théorie des capacités calorifiques, découverte peu après. (D.)