Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
ESSAI SUR LA NATURE DU FEU

pur pour sa pesanteur[1] ? Il est impossible d’assigner ce peu que l’air pur pèse par lui-même ; il reçoit donc certainement d’une autre matière cette grande pesanteur qui soutient 33 pieds d’eau, ou 29 pouces de mercure : cette force, qui surprit tant le siècle passé, ne lui appartient pas en propre[2].

Si cette pesanteur n’est pas à lui, pourquoi son ressort ne lui viendra-t-il pas aussi d’ailleurs ?

Il est constant que la chaleur augmente beaucoup le ressort d’un air enfermé ; on connaît les découvertes fines d’Amontons sur l’augmentation de puissance qu’un air comprimé acquiert par la chaleur de l’eau bouillante[3].

La chaleur étend l’air et augmente sensiblement son élasticité dans l’instant que cet air s’étend : ainsi l’air se dilatant par le feu casse les vaisseaux qui le renferment ; ainsi, échauffé dans une vessie, il la fait crever ; ainsi il fait monter le mercure et les liqueurs dans les tubes d’autant plus qu’il s’échauffe, etc. Tant qu’il y aura du feu dans cet air comprimé, les corpuscules de l’air, écartés en tous sens, pressent en tous sens tout ce qu’ils rencontrent. Voilà l’augmentation de son ressort.

L’air libre, étant échauffé, se distend, s’écarte de tous côtés ; et alors ce ressort, qui agissait par la dilatation, s’épuise en proportion de ce que l’air s’est dilaté ; ce plein air libre, échauffé, n’est plus si élastique, parce qu’alors il y a moins d’air dans le même espace.

De même, quand le métal pénétré de feu s’étend de tous côtés, alors il y a moins de métal dans le même espace ; et quand il est fondu, il s’est étendu autant qu’il est possible : alors son ressort est perdu autant qu’il est possible.

Ce métal refroidi redevient élastique : aussi l’air libre refroidi, revenu dans son premier état, reprend son élasticité première ; mais si l’air est plus refroidi encore, si le froid le condense trop,

  1. Ce qui est « exhalaisons de la terre » dans l’air n’en est qu’une partie infime. Il est vrai qu’à l’état de brouillards, c’est ce qui seul frappe la vue, (D.)
  2. M. de Voltaire est un des premiers qui aient annoncé que l’air, c’est-à-dire le fluide expansible qui entoure la terre, n’est point un élément simple, mais un composé d’un grand nombre de substances dans l’état d’expansibilité. On a prouvé depuis que cet air contenait non-seulement une grande quantité d’eau, et d’autres substances dans l’état de dissolution, mais qu’il était encore le résultat du mélange ou de la combinaison d’un grand nombre de substances expansibles à tous les degrés de température connus. Voyez l’article Air dans le Dictionnaire philosophique. (K.)
  3. La chaleur de l’eau bouillante n’augmente l’élasticité de l’air que d’un tiers environ. (D.)