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ET SUR SA PROPAGATION.

cette balle, ayant cédé à cet effort qui lui a ôté sa rondeur, la reprend ensuite, c’est parce que ses parties, qui étaient pressées, se renflent, s’étendent. Il y a donc de toute nécessité un pouvoir qui distend toutes ces parties ; ce pouvoir n’est que du mouvement, le feu qui est dans ce corps est en mouvement, le feu cause donc l’élasticité.

Que le feu soit l’origine de cette propriété, c’est une chose d’autant plus probable que le feu lui-même semble parfaitement élastique ; ses parties élémentaires étant nécessairement très-solides, se choquant continuellement, et se repoussant avec une force proportionnée à leur choc, doivent faire des vibrations continuelles dans les corps. Un corps serait parfaitement dur s’il était absolument privé de feu.

S’il en était tout pénétré, et que ses parties ne pussent résister aucunement à l’action du feu, ses parties auraient encore moins de cohérence que les fluides les plus subtils, et il serait entièrement mou ; un corps n’est donc élastique qu’autant que ses parties constituantes résistent au mouvement du feu qu’il renferme.

C’est ce que l’expérience confirme dans tous les corps élastiques. Plus on a augmenté l’adhésion, la cohérence des parties d’un métal, en le comprimant sous le marteau, plus alors cette adhésion surpasse l’action du feu que contient ce métal ; alors son ressort est toujours plus grand ; qu’il soit échauffé, le ressort diminue ; qu’il soit ensuite en fusion, ce ressort est perdu entièrement. Laissez refroidir ce corps fondu, c’est-à-dire laissez exhaler le feu étranger et surabondant qui le pénétrait, ne lui laissez que la quantité de substance de feu qui était naturellement dans les pores de ses parties constituantes, le ressort se rétablit[1].

SECTION III.
l’air ne reçoit-il pas aussi son ressort du feu ?

L’air, ce corps si singulièrement élastique, paraît recevoir son ressort du feu par les mêmes raisons.

L’air de notre atmosphère est un assemblage de vapeurs de toute espèce, qui lui laissent très-peu de matière propre.

Otez de cet air l’eau dans laquelle il nage, et dont la pesanteur spécifique est au moins 850 fois plus grande que celle de cet air ; ôtez-en toutes les exhalaisons de la terre, que restera-t-il à l’air

  1. On pourrait cependant faire refroidir fortement un métal après l’avoir recuit. Il ne reprendrait pas l’élasticité qu’il devait à l’écrouissage. (D.)