Le feu ne peut éclairer, échauffer, brûler, que par le mouvement de ses parties : d’où ce mouvement lui viendra-t-il ? Sera-ce de quelque autre matière plus ténue, plus fluide encore ? Mais d’où cette autre matière aura-t-elle son mouvement ? Pourquoi cette matière ne fera-t-elle pas elle-même les mêmes effets que le feu ? Pourquoi recourir à une autre matière qu’on ne connaît pas ?
Cette autre matière agirait ou dans le plein absolu ou dans le vide : si elle est supposée dans le plein, cette supposition est exposée à d’étranges contradictions ; comment une étincelle de feu, venant de Sirius jusqu’à nous, dérangera-t-elle ce plein prodigieux ?
Comment un rayon de soleil percera-t-il plus de 30 millions de lieues en huit minutes ? D’ailleurs quelle foule d’objections contre le plein absolu ! Si cette matière est supposée agir dans l’espace non rempli, quel besoin avons-nous d’elle pour produire l’action du feu ? Le feu est un élément ; ses parties constituantes ne s’altèrent donc point, du moins tant que cet univers subsiste ; que servira donc une autre matière insensible à ses parties constituantes ?
Il ne faut admettre de principe invisible, insensible, que quand ce premier principe invisible, insensible, est d’une nécessité primordiale absolue, inhérente dans la nature des choses. Ne serait-il pas contre toute philosophie d’expliquer le mouvement connu d’un élément par le mouvement supposé d’un autre élément inconnu ? Il faut donc croire que le feu a le mouvement originairement imprimé en lui-même, jusqu’à ce qu’on soit bien sûr qu’il y a une autre substance qui le lui donne.
Le feu étant toujours par sa nature en mouvement, ses parties étant les plus simples, et par conséquent les plus solides des corps connus, tous les corps connus étant poreux, le feu habite nécessairement dans les pores de tous les corps : il les étend, les meut, les échauffe, et les consume, selon sa quantité et son degré de mouvement.
Tous les corps tendent à s’unir par la même loi qui fait graviter tous les corps célestes vers un foyer commun, quelle que soit la cause de cette tendance : donc toutes les parties de chaque corps presseraient également vers le centre de ce corps, et tous les corps composeraient des masses également dures, si le feu.