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ESSAI SUR LA NATURE DU FEU

n’est jamais ni détruit ni augmenté par aucune autre substance ; que par conséquent il y a toujours dans la nature la même quantité de feu ; qu’ainsi, lorsqu’un corps est plus échauffé, il faut qu’il y eu ait quelque autre qui se refroidisse ; que par conséquent le feu dardé à tout moment du soleil sur les planètes doit augmenter la substance de ces globes et diminuer celle du soleil, qui doit avoir des ressources d’ailleurs pour renouveler sa substance, etc. ?

Sans chercher à présent à tirer plus de conséquences, et nous reposant sur cette idée que le feu est une substance élémentaire, à quoi le reconnaîtrons-nous ? quels effets établissent son caractère distinctif ?

Sera-ce la dissolution des corps ? Mais l’eau dissout à la longue jusqu’aux métaux. Sera-ce la dilatation ? Mais l’air dilate visiblement tous les corps minces et élastiques dans lesquels on le comprime. L’eau dilate les corps, le bois sec, et le feu au contraire les resserre.

Le feu, en général, est le seul être qui éclaire et qui brûle : ces deux effets ne s’accompagnent pas toujours ; le feu du soleil, répercuté sur la lune, renvoyé vers nous, et réuni au foyer d’un verre ardent, jette une grande lumière : il éclaire beaucoup ; mais il ne peut rien échauffer, encore moins brûler, parce qu’il y a trop peu de rayons. Le feu, au contraire, dans une barre de fer non encore ardente, échauffe, brûle, et ne peut éclairer nos yeux parce que le feu n’a pu encore échapper assez de la surface du fer pour venir en rayons divergents former sur nos yeux des cônes de lumière dont le sommet doit être dans chaque point de cette barre.

C’est donc, en général, de la quantité de sa masse et de la quantité de son mouvement que dépendent sa chaleur et sa lumière ; mais il est le seul être connu qui puisse éclairer et échauffer : voilà simplement sa définition.

ARTICLE  II.
si le feu est un corps qui ait toutes les propriétés générales de la matière.

Le feu a-t-il les autres propriétés primordiales de la matière ? Il est mobile, puisqu’il vient à nos yeux en si peu de temps ; il est divisible, et plus divisible par nous que les autres corps, puisqu’on sépare le moindre de ses traits en sept faisceaux de rayons différents.