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ET SUR SA PROPAGATION.

nouvelles ; il y règne cette philosophie modeste qui craint d’affirmer quelque chose au delà de ce qu’apprennent les sens et le calcul ; les erreurs sont celles de la physique du temps où elle a été écrite ; et, s’il nous était permis d’avoir une opinion, nous oserions dire que, si l’on met à part la formule de la vitesse du son, qui fait le principal mérite de la dissertation d’Euler, l’ouvrage de Voltaire devait l’emporter sur ses concurrents, et que le plus grand défaut de sa pièce fut de n’avoir pas assez respecté le cartésianisme, et la méthode d’expliquer qui était alors encore à la mode parmi ses juges.


INTRODUCTION.

Les hommes ont dû être longtemps sans avoir l’idée du feu, et ils ne l’auraient jamais eue si des forêts embrasées par la foudre, ou l’éruption des volcans, ou le choc et le mouvement violent de quelques corps, n’eussent enfin produit pour eux, en apparence, ce nouvel être. Le soleil, tel qu’il nous luit, ne donne aux hommes que la sensation de la lumière et de la chaleur ; et sans l’invention des miroirs ardents, personne n’aurait pu ni dû assurer que les rayons du soleil sont un feu véritable qui divise, qui brûle, qui détruit, comme notre feu que nous allumons.

Nous ne connaissons guère plus la nature intime du feu que les premiers hommes n’ont dû connaître son existence.

Nous avons des expériences qui, quoique très-fines pour nous, sont encore très-grossières par rapport aux premiers principes des choses ; ces expériences nous ont conduits à quelques vérités : à des vraisemblances, et surtout à des doutes en grand nombre : car le doute doit être souvent en physique ce que la démonstration est en géométrie, la conclusion d’un bon argument.

Voyons donc sur la nature du feu et sur sa propagation le peu que nous connaissons de certain, sans oser donner pour vrai ce qui n’est que douteux, ou tout au plus vraisemblable.