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ÉCLAIRCISSEMENTS

n’est pas moins certaine qu’étonnante ; il est indubitable qu’un rayon de lumière, tombant sous un certain angle comme de 42 degrés sur un cristal, n’entre que très-peu dans l’air qui touche le fond de ce cristal, mais rentre presque tout entier dans le verre, comme si l’air le repoussait ; il est certain que si on trouve le moyen de pomper l’air derrière ce cristal, alors il ne passe aucun rayon, et que ce vide, en ce cas, semble plus puissant que l’air pour repousser toute cette lumière, qu’on croirait devoir trouver un accès si facile et dans l’air et dans l’espace purgé d’air[1].

Ce phénomène admirable dont j’ai parlé, parce qu’il me semble qu’il n’était pas assez généralement connu en France ; ce mystère, dis-je, est une des plus puissantes démonstrations de cette attraction tant combattue : car, si vous concevez bien qu’un trait de lumière qui entrerait dans l’eau n’entre presque point dans l’air, et que si l’air est ôté ce rayon repasse presque tout entier dans ce cristal dont il était prêt à s’échapper, vous concevez invinciblement qu’il y a dans ce cristal une puissance qui force ce rayon à repasser dans sa substance ; et tout géomètre qui examinera le mouvement de ce rayon, et l’espèce de courbe qu’il décrit lorsqu’il commence à remonter à travers de ce verre, verra que du sommet de cette courbe il doit rejaillir avec la même vitesse qu’il était tombé. Remarquez encore soigneusement que cette expérience n’a rien de commun avec celle de la réfraction dans le vide au bout d’une lunette : l’expérience de la réfraction dans le vide ne se fait point au même angle que celle dont je parle, et c’est probablement ce qui a trompé ceux qui ont critiqué cet endroit. Ils n’ont pas distingué le rejaillissement du vide, et la réfraction qui s’opère dans le vide.

sur une vérité importante d’optique.

2° Il y a un fait d’une physique plus singulière et plus intéressante : c’est au chapitre sixième, où j’ose affirmer que toutes les lois de l’optique n’influent point physiquement sur la manière dont nous voyons. Je ne prétends point assurément contredire en cela les mathématiques dans un ouvrage dont elles sont le fondement ; mais je prétends démontrer que l’Auteur de la nature a établi encore d’autres lois, et qu’un homme qui ne connaîtrait

  1. Ceci est affaire d’indice relatif et d’angle limite. Idées connues alors, mais peu familières. (D.)