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CONSEILS
À UN JOURNALISTE

SUR LA PHILOSOPHIE, L’HISTOIRE, LE THÉÂTRE,
LES PIÈCES DE POÉSIE, LES MÉLANGES DE LITTÉRATURE,
LES ANECDOTES LITTÉRAIRES, LES LANGUES ET LE STYLE.
(10 mai 1737[1].)


L’ouvrage périodique auquel vous avez dessein de travailler, monsieur, peut très-bien réussir, quoiqu’il y en ait déjà trop de cette espèce. Vous me demandez comment il faut s’y prendre pour qu’un tel journal plaise à notre siècle et à la postérité. Je vous répondrai en deux mots : Soyez impartial. Vous avez la science et le goût ; si avec cela vous êtes juste, je vous prédis un succès durable. Notre nation aime tous les genres de littérature, depuis les mathématiques jusqu’à l’épigramme. Aucun des journaux ne parle communément de la partie la plus brillante des belles-lettres, qui sont les pièces de théâtre, ni de tant de jolis ouvrages de poésie, qui soutiennent tous les jours le caractère aimable de notre nation. Tout peut entrer dans votre espèce de journal, jusqu’à une chanson qui sera bien faite ; rien n’est à dédaigner. La Grèce, qui se vante d’avoir fait naître Platon, se glorifie encore d’Anacréon, et Cicéron ne fait point oublier Catulle.

  1. C’est sous le titre de Conseils à un journaliste, etc., que ce morceau fut, imprimé, en 1765, dans le tome Ier des Nouveaux Mélanges, avec la note que voici : « Cette pièce parut en Hollande, il y a trente ans ; elle n’a pas été imprimée depuis : le public jugera si elle mérite de trouver place dans ce recueil. » Je ne connais pas d’édition plus ancienne que celle qu’on trouve dans le Mercure de 1744 (premier volume de novembre), sous le titre de : Avis à un journaliste, et avec la date de : 10 mai 1737, que j’ai ajoutée ici ainsi que quelques variantes ; la version actuelle est de 1765. (B.)