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LETTRE À M. D***.

possession : cela parait bien raffiné. C’est le goût de l’Acadéinie, dit-on ; je le crois, mais est-ce le goût du public ?


Que par toutes les voix au parnasse sacré
Par d’immortels accords Louis soit célébré.


Parnasse sacré. On ne voit pas trop ce que c’est qu’un parnasse sacré. C’est apparemment celui de l’auteur, car il est ecclésiastique.


De cendres en ce jour couvrant son diadème.


On ne peut dire de ce vers ce qu’Horace disait autrefois des mauvais poëtes qui voulaient faire leur cour à Auguste par des louanges mal placées.


Cui male si palpere recalcitrat undiquo tutus[1].


En effet, il est bien question de cendre quand Louis XIV fait construire de nouveau le chœur de Notre-Dame.


Îles, vastes climats, lointaines régions,
Dont l’infidèle nuit couvre les nations.


Ce dont tombe-t-il sur l’infidèle nuit ou sur les nations ? encore une équivoque. L’auteur ne les épargne pas.


Pôles glacés, brûlants...


Lorsqu’on nous lut cet endroit du poëme, on trouva que pour dire pôles glacés, brûlants, au pluriel, il faudrait qu’il y eût plusieurs pôles de chaque espèce ; ainsi, selon M. l’abbé du Jarry, il y a quatre pôles pour le moins. Un malin envieux de la gloire de monsieur l’abbé se souvint alors par malheur que nous n’avons que deux pôles ; encore sont-ils tous deux glacés, parce que le soleil ne passe jamais les tropiques. Grands éclats de rire aussitôt, de voir qu’un poëte à soixante-cinq ans mette le soleil directement sur les pôles ; il me semble que je vois le médecin malgré lui qui place le cœur du côté droit. Certes si ces pôles brûlants sont bien reçus à l’Académie française, où l’on juge des mots, ils ne passeraient point à l’Académie des sciences, où l’on examine les choses.

  1. Livre II, satire Ire, vers 20.