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TOUTES LES IDÉES VIENNENT PAR LES SENS.

Voilà pourquoi ceux qui ont eu la hardiesse d’imaginer un système sur la nature de l’âme et de nos conceptions ont été obligés de supposer l’opinion absurde des idées innées, se flattant que, parmi les prétendues idées métaphysiques descendues du ciel dans notre esprit, il s’en trouverait quelques-unes qui découvriraient ce secret impénétrable.

De tous les raisonneurs hardis qui se sont perdus dans la profondeur de ces recherches, le P. Malebranche est celui qui a paru s’égarer de la façon la plus sublime.

Voici à quoi se réduit son système, qui a fait tant de bruit :

Nos perceptions, qui nous viennent à l’occasion des objets, ne peuvent être causées par ces objets mêmes, qui certainement n’ont pas en eux la puissance de donner un sentiment ; elles ne viennent pas de nous-mêmes, car nous sommes, à cet égard, aussi impuissants que ces objets ; il faut donc que ce soit Dieu qui nous les donne. « Or Dieu est le lieu des esprits, et les esprits subsistent en lui ; » donc c’est en lui que nous avons nos idées, et que nous voyons toutes choses.

Or, je demande à tout homme qui n’a point d’enthousiasme dans la tête, quelle notion claire ce dernier raisonnement nous donne ?

Je demande ce que veut dire Dieu est le lieu des esprits ? et quand même ces mots sentir et voir tout en Dieu formeraient en nous une idée distincte, je demande ce que nous y gagnerions, et en quoi nous serions plus savants qu’auparavant.

Certainement, pour réduire le système du P. Malebranche à quelque chose d’intelligible, on est obligé de recourir au spinosisme, d’imaginer que le total de l’univers est Dieu, que ce Dieu agit dans tous les êtres, sent dans les bêtes, pense dans les hommes, végète dans les arbres, est pensée et caillou, a toutes les parties de lui-même détruites à tout moment, et enfin toutes les absurdités qui découlent nécessairement de ce principe.

Les égarements de tous ceux qui ont voulu approfondir ce qui est impénétrable pour nous doivent nous apprendre à ne vouloir pas franchir les limites de notre nature. La vraie philosophie est de savoir s’arrêter où il faut, et de ne jamais marcher qu’avec un guide sûr.

Il reste assez de terrain à parcourir sans voyager dans les espaces imaginaires. Contentons-nous donc de savoir, par l’expérience appuyée du raisonnement, seule source de nos connaissances, que nos sens sont les portes par lesquelles toutes les idées entrent dans notre entendement ; et ressouvenons-nous bien qu’il