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TRAITÉ
DE MÉTAPHYSIQUE
(1734[1])

INTRODUCTION.
doutes sur l’homme.

Peu de gens s’avisent d’avoir une notion bien entendue de ce que c’est que l’homme. Les paysans d’une partie de l’Europe n’ont guère d’autre idée de notre espèce que celle d’un animal à deux pieds, ayant une peau bise, articulant quelques paroles, cultivant la terre, payant, sans savoir pourquoi, certains tributs à un autre animal qu’ils appellent roi, vendant leurs denrées le plus cher qu’ils peuvent, et s’assemblant certains jours de l’année pour chanter des prières dans une langue qu’ils n’entendent point.

  1. Longchamp, dans le chapitre xxv de ses Mémoires publiés en 1826, raconte que, chargé d’attiser le feu dans lequel on avait jeté des papiers que Mme  du Châtelet avait recommandé de brûler après sa mort, il parvint à soustraire un cahier de papier à lettres, d’une écriture fort menue. Ce cahier contenait le Traité de métaphysique, qui fut imprimé pour la première fois dans les éditions de Kehl. « Cet ouvrage est d’autant plus précieux, disaient alors les éditeurs, que n’ayant point été destiné à l’impression, l’auteur a pu dire sa pensée tout entière. Il renferme ses véritables opinions, et non pas seulement celles de ses opinions qu’il croyait pouvoir développer sans se compromettre. On y voit qu’il était fortement persuadé de l’existence d’un Être suprême, et même de l’immortalité de l’âme, mais sans se dissimuler les difficultés qui s’élèvent contre ces deux opinions, et qu’aucun philosophe n’a encore complètement résolues. »
    Voltaire, en l’offrant à Mme  du Châtelet, pour qui il l’avait composé, y joignit le quatrain suivant :
    L’auteur de la métaphysique
    Que l’on apporte à vos genoux
    Mérita d’être cuit dans la place publique,
    Mais il ne brûla que pour vous.