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quinzième degré ; un an avant la guerre du Péloponnèse, il était au huitième : donc il avait retardé de sept degrés. Un degré vaut soixante et douze ans : donc, du commencement de la du Péloponnèse à l’entreprise des Argonautes, il n’y a que sept fois soixante et douze ans, qui font cinq cent quatre ans, et non pas sept cents années, comme le disaient les Grecs. Ainsi, en comparant l’état du ciel d’aujourd’hui à l’état où il était alors, nous voyons que l’expédition des Argonautes doit être placée environ neuf cents ans avant Jésus-Christ, et non pas environ quatorze cents ans ; et, par conséquent, le monde est moins vieux d’environ cinq cents ans qu’on ne pensait. Par là, toutes les époques sont rapprochées, et tout s’est fait plus tard qu’on ne le dit[1]. Je ne sais si ce système ingénieux fera une grande fortune, et si on voudra se résoudre, sur ces idées, à réformer la chronologie du monde ; peut-être les savants trouveraient-ils que c’en serait trop d’accorder à un même homme l’honneur d’avoir perfectionné à la fois la physique, la géométrie et l’histoire : ce serait une espèce de monarchie dont l’amour-propre s’accommode malaisément. Aussi, dans le temps[2] que les partisans des tourbillons et de la matière cannelée attaquaient la gravitation démontrée, le R. P. Souciet et M. Fréret écrivaient contre la chronologie de Newton avant qu'elle fût imprimée[3].


LETTRE XVIII[4].

sur la tragédie.


Les Anglais avaient déjà un théâtre aussi bien que les Espagnols, quand les Français n'avaient encore que des tréteaux.

  1. 1734. « Qu'on ne le dit. Je ne sais si ce système ingénieux fera une grande fortune, et si on voudra. »
  2. Dans l'édition de 1734, on lisait : « Aussi dans le temps que de très-grands philosophes l'attaquaient sur l’attraction, d'autres combattaient son système chronologique. Le temps, qui devrait faire voir à qui la victoire est due, ne fera peut-être que laisser la dispute indécise. »
    Ce qui suit fut ajouté en 1739 : « Il est bon, avant de quitter Newton, d’avertir que l’infini, l'attraction, et le chaos de la chronologie, ne sont pas les seuls abîmes où il ait fouillé. Il s'est avisé de commenter l’Apocalypse. Il y trouve que le pape est l’antechrist, et il explique ce livre incompréhensible à peu près comme tous ceux qui s'en sont mêlés. Apparemment qu'il a voulu, par ce commentaire, consoler la race humaine de la supériorité qu'il avait sur elle. »
    La version actuelle est de 1756.
  3. Elle fut imprimée après la mort de Newton. Fréret l'a réfutée dans sa Défense de la chronologie contre le système de M. Newton.
  4. Cette lettre formait, dans les éditions de Kehl, le chapitre intitulé De la