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SUR L'INFINI ET SUR LA CHRONOLOGIE.


Voilà pourquoi il inventa un télescope qui montre les objets par réflexion, et non point par réfraction.

Il était encore peu connu en Europe quand il fit cette découverte. J'ai vu un petit livre composé environ ce temps-là, dans lequel, en parlant du télescope de Newton, on le prend pour un lunetier : Artifex quidam Anglus nomine Newton. La postérité l'a bien vengé[1].


LETTRE XVII[2].

sur l’infini et sur la chronologie.

Le labyrinthe et l’abîme de l’infini est aussi une carrière nouvelle parcourue par Newton, et on tient de lui le fil avec lequel on s’y peut conduire.

Descartes se trouve encore son précurseur dans cette étonnante nouveauté ; il allait à grands pas dans sa géométrie jusque vers l’infini, mais il s’arrêta sur le bord. M. Wallis, vers le milieu du dernier siècle, fut le premier qui réduisit une fraction, par une division perpétuelle, à une suite infinie.

Milord Brouncker se servit de cette suite pour carrer l’hyperbole.

Mercator publia une démonstration de cette quadrature. Ce fut à peu près dans ce temps que Newton, à l’âge de vingt-trois ans, avait inventé une méthode générale pour faire sur toutes les courbes ce qu’on venait d’essayer sur l’hyperbole.

C’est cette méthode de soumettre partout l’infini au calcul algébrique, que l’on appelle calcul différentiel ou des fluxions et

  1. Dans les éditions de 1751 et 1752, il y a ici trois alinéas qu'on a vus tome XX, pages 121-122; ce sont ceux qui commencent ainsi : I. De tous ceux qui ont un peu vécu ; II. Quand on considère ; III. On a souvent demandé.
    L'édition de 1739 portait : La renommée l’a bien vengé depuis.
    Après ces mots, on lit dans l'édition de 1742 (la seule qui le contienne) l'alinéa suivant :
    « Le docteur Clarke avouait à qui voulait l'entendre que, dans le temps qu'il n'était encore que chapelain et pauvre, il traduisit l'optique de Newton en latin, et que l'auteur fit présent au traducteur de douze mille livres de notre monnaie. Le lunetier agissait en roi. »
    Dans l'édition de 1734, la lettre se terminait ainsi : « …Réfraction. Cette nouvelle sorte de lunette est très-difficile à faire, et n'est pas d'un usage bien aisé ; mais on dit en Angleterre qu'un télescope de réflexion de cinq pieds fait le même effet qu'une lunette d'approche de cent pieds. »
  2. Une partie seulement de cette lettre formait la troisième section de l'article Newton et Descartes dans le Dictionnaire philosophique.