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HISTOIRE DE L’ATTRACTION.

pas servi du mot d’impulsion, que l’on comprend si bien, plutôt que du terme d’attraction, que l’on ne comprend pas ?

Newton aurait pu répondre à ces critiques :

Premièrement, vous n’entendez pas plus le mot d’impulsion que celui d’attraction, et si vous ne concevez pas pourquoi un corps tend vers le centre d’un autre corps, vous n’imaginez pas plus par quelle vertu un corps en peut pousser un autre.

Secondement, je n’ai pas pu admettre l’impulsion : car il faudrait pour cela que j’eusse connu qu’une matière céleste pousse en effet les planètes ; or, non-seulement je ne connais point cette matière, mais j’ai prouvé qu’elle n’existe pas.

Troisièmement, je ne me sers du mot d’attraction que pour exprimer un effet que j’ai découvert dans la nature, effet certain et indisputable d’un principe inconnu, qualité inhérente dans la matière, dont de plus habiles que moi trouveront, s’ils peuvent, la cause.

Que nous avez-vous donc appris, insiste-t-on encore, et pourquoi tant de calculs pour nous dire ce que vous-même ne comprenez pas ?

Je vous ai appris (pourrait continuer Newton) que la mécanique des forces centrales fait[1] seule mouvoir les planètes et les comètes dans des proportions marquées[2]. Je suis, continuerait-il, dans un cas bien différent des anciens : ils voyaient par exemple l’eau monter dans les pompes, et ils disaient : L’eau monte parce qu’elle a horreur du vide ; mais moi, je suis dans le cas de celui qui aurait remarqué le premier que l’eau monte dans les pompes, et qui laisserait à d’autres le soin d’expliquer la cause de cet effet. L’anatomiste qui a dit le premier que le bras se remue parce que les muscles se contractent enseigna aux hommes une vérité incontestable : lui en aura-t-on moins d’obligation parce qu’il n’a pas su pourquoi les muscles se contractent ? La cause du ressort

  1. 1734. « Fait peser tous les corps à proportion de leur matière, que ces forces centrales font seules mouvoir. »
  2. 1734. « Marquées. Je vous démontre qu’il est impossible qu’il y ait une autre cause de la pesanteur et du mouvement de tous les corps célestes : car les corps graves tombent sur la terre selon la proportion démontrée des forces centrales, et, les planètes achevant leur cours suivant ces mêmes proportions, s’il y avait encore un autre pouvoir qui agit sur tous ces corps, il augmenterait leurs vitesses ou changerait leurs directions. Or, jamais aucun de ces corps n’a un seul degré de mouvement de vitesse, de détermination, qui ne soit démontré être l’effet des forces centrales : donc il est impossible qu’il y ait un autre principe.
    « Qu’il me soit permis de faire encore parler un moment Newton : ne sera-t-il pas reçu à dire : Je suis dans un cas bien différent des anciens, etc. »