et de démonstrations[1], aveugle et sourd pour tout le reste, une vraie machine à raisonnements.
C’est lui qui est l’auteur d’un livre assez peu entendu, mais estimé, sur l’existence de Dieu[2], et d’un autre plus intelligible, mais assez méprisé, sur la vérité de la religion chrétienne.
Il ne s’est point engagé dans les belles disputes scolastiques que notre ami… appelle de vénérables billevesées ; il s’est contenté de faire imprimer un livre qui contient tous les témoignages des premiers siècles pour et contre les unitaires, et a laissé au lecteur le soin de compter les voix et de juger. Ce livre du docteur lui a attiré beaucoup de partisans, mais l’a empêché d’être archevêque de Cantorbéry[3] ; car lorsque la reine Anne voulut lui donner ce poste, un docteur nommé Gibson[4], qui avait sans doute ses raisons, dit à la reine : « Madame, M. Clarke est le plus savant et le plus honnête homme du royaume ; il ne lui manque qu’une chose. — Et quoi ? dit la reine. — C’est d’être chrétien », dit le docteur bénévole[5]. Je crois que Clarke s’est trompé dans son calcul, et qu’il valait mieux être primat orthodoxe d’Angleterre que curé arien[6].
Vous voyez quelles révolutions arrivent dans les opinions comme dans les empires. Le parti d’Arius, après trois cents ans de triomphe et douze siècles d’oubli, renaît enfin de sa cendre ; mais il prend très-mal son temps de reparaître dans un âge où tout le monde est rassasié de disputes et de sectes : celle-ci est encore trop petite pour obtenir la liberté des assemblées publiques : elle l’obtiendra sans doute si elle devient plus nombreuse ; mais on est si tiède à présent sur tout cela qu’il n’y a plus guère de fortune à faire pour une religion nouvelle ou renouvelée. N’est-ce pas une chose plaisante que Luther, Calvin, Zuingle, tous écrivains qu’on ne peut lire, aient fondé des sectes qui partagent l’Europe ; que l’ignorant Mahomet ait donné une religion à l’Asie et à l’Afrique, et que MM. Newton, Clarke, Locke, Leclerc[7], les
- ↑ 1734. « Démonstrations, une vraie. »
- ↑ Démonstration de l’existence et des attributs de Dieu, 1705.
- ↑ 1734. « Cantorbéry : je crois que le docteur s’est trompé dans son calcul, et qu’il valait mieux être primat d’Angleterre que curé arien. »
- ↑ Célèbre par ses connaissances dans le droit ecclésiastique. Il avait la direction des affaires du clergé lorsque Voltaire se trouvait en Angleterre.
- ↑ Cette anecdote ne se trouve pas dans l’édition de 1734.
- ↑ Clarke fut curé de la paroisse Saint-Paul à Londres, et chapelain de la reine Anne.
- ↑ Jean Leclerc, de Genève, pasteur à Amsterdam et rival de Bayle. Il mourut en 1736.