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SUR LA RELIGION ANGLICANE.

Il y a une clause dans le serment que l’on prête à l’État, laquelle exerce bien la patience chrétienne de ces messieurs.

On y promet d’être de l’Église, comme elle est établie par la loi. Il n’y a guère d’évêque, de doyen, d’archiprêtre, qui ne pense être de droit divin ; c’est donc un grand sujet de mortification pour eux d’être obligés d’avouer qu’ils tiennent tout d’une misérable loi faite par des profanes laïques. Un savant religieux (le P. Courayer) a écrit depuis peu un livre pour prouver la validité et la succession des ordinations anglicanes[1]. Cet ouvrage a été proscrit en France ; mais croyez-vous qu’il ait plu au ministère d’Angleterre ? Point du tout[2]. Les maudits whigs se soucient très-peu que la succession épiscopale ait été interrompue chez eux ou non, et que l’évêque Parker[3] ait été consacré dans un cabaret (comme on le veut) ou dans une église ; ils aiment mieux même que les évêques tirent leur autorité du parlement[4] que des apôtres. Le lord B. dit que cette idée du droit divin ne servirait qu’à faire des tyrans en camail et en rochet, mais que la loi fait des citoyens,

À l’égard des mœurs, le clergé anglican est plus réglé que celui de France ; et en voici la cause. Tous les ecclésiastiques sont élevés dans l’université d’Oxford ou dans celle de Cambridge, loin de la corruption de la capitale : ils ne sont appelés aux dignités de l’Église que très-tard, et dans un âge où les hommes n’ont d’autres passions que l’avarice, lorsque leur ambition manque d’aliment. Les emplois sont ici la récompense des longs services dans l’Église aussi bien que dans l’armée ; on n’y voit point de jeunes gens évêques ou colonels au sortir du collège. De plus, les prêtres sont presque tous mariés. La mauvaise grâce contractée dans l’université, et le peu de commerce qu’on a ici avec les femmes, font que d’ordinaire un évêque est forcé de se contenter de la sienne. Les prêtres vont quelquefois au cabaret, parce que l’usage le leur permet ; et s’ils s’enivrent, c’est sérieusement et sans scandale.

Cet être indéfinissable, qui n’est ni ecclésiastique ni séculier,

    encore ; mais ils n’ont pas plus de pouvoir dans la chambre que les ducs et pairs dans le parlement de Paris. Il y a une clause, etc. »

  1. Dissertation sur la validité des ordinations anglaises, 1723, deux volumes in-12. Trois ans après, il publia une Défense de la dissertation, 1726, quatre volumes in-18.
  2. 1734. « Ces. »
  3. Samuel Parker, évêque d’Oxford, né en 1640, mort en 1680.
  4. 1734. « Du parlement plutôt que des apôtres. »