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SUR LES QUAKERS.

pour tutoyer les magistrats, et refuser de prêter les serments prescrits par la loi.

Enfin Robert Barclay, Écossais, présenta au roi, en 1675, son Apologie des Quakers[1], ouvrage aussi bon qu’il pouvait l’être. L’épître dédicatoire à Charles II contient, non de basses flatteries. mais des vérités hardies et des conseils justes, « Tu as goûté, dit-il à Charles à la fin de cette épître, de la douceur et de l’amertume, de la prospérité et des plus grands malheurs ; tu as été chassé des pays où tu règnes ; tu as senti le poids de l’oppression, et tu dois savoir combien l’oppresseur est détestable devant Dieu et devant les hommes. Que si, après tant d’épreuves et de bénédictions, ton cœur s’endurcissait et oubliait le Dieu qui s’est souvenu de toi dans tes disgrâces, ton crime en serait plus grand, et ta condamnation plus terrible. Au lieu donc d’écouter les flatteurs de ta cour, écoute la voix de ta conscience, qui ne te flattera jamais. Je suis ton fidèle ami et sujet Barclay, »

Ce qui est plus étonnant, c’est que cette lettre, écrite à un roi par un particulier obscur, eut son effet, et que la persécution cessa[2].


LETTRE IV[3].

sur les quakers.


Environ ce temps parut l’illustre Guillaume Penn, qui établit la puissance des quakers en Amérique, et qui les aurait rendus respectables en Europe si les hommes pouvaient respecter la vertu sous les apparences ridicules : il était fils unique du chevalier Penn, vice-amiral d’Angleterre, et favori du duc d’York, depuis Jacques II.

Guillaume Penn, à l’âge de quinze ans, rencontra un quaker à Oxford, où il faisait ses études ; ce quaker le persuada, et le jeune homme, qui était vif, naturellement éloquent, et qui avait de l’ascendant dans sa physionomie et dans ses manières, gagna bientôt quelques-uns de ses camarades. Il établit insensiblement

  1. Cet ouvrage, écrit en latin, est intitulé Theologiœ vere christianœ Apologia, 1676, in-4o. (B.)
  2. En 1723, Voltaire avait voulu dédier sa Henriade au jeune Louis XV ; mais on avait trouvé trop libre le projet de dédicace du poète, et l’on avait refusé l’hommage. La fin de la Lettre III n’est écrite qu’en souvenir de cette affaire. (G. A.)
  3. Voyez, la note 1 de la page 88.