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FREIND.

Saint Pierre, au rapport de saint Clément d’Alexandrie, eut des enfants, et même on compte parmi eux une sainte Pétronille. Eusèbe, dans son Histoire de l’Église, dit que saint Nicolas, l’un des premiers disciples, avait une très-belle femme, et que les apôtres lui reprochèrent d’en être trop occupé, et d’en paraître jaloux… « Messieurs, leur dit-il, la prenne qui voudra, je vous la cède[1]. »

Dans l’économie juive, qui devait durer éternellement, et à laquelle cependant a succédé l’économie chrétienne, le mariage était non seulement permis, mais expressément ordonné aux prêtres, puisqu’ils devaient être de la même race ; et le célibat était une espèce d’infamie.

Il faut bien que le célibat ne fût pas regardé comme un était bien pur et bien honorable par les premiers chrétiens, puisque parmi les hérétiques anathématisés dans les premiers conciles, on trouve principalement ceux qui s’élevaient contre le mariage des prêtres, comme saturniens, basilidiens, montanistes, encratistes, et autres ens et istes[2]. Voilà pourquoi la femme d’un saint Grégoire de Nazianze accoucha d’un autre saint Grégoire de Nazianze, et qu’elle eut le bonheur inestimable d’être femme et mère d’un canonisé, ce qui n’est pas même arrivé à sainte Monique, mère de saint Augustin.

Voilà pourquoi je pourrais vous nommer autant et plus d’anciens évêques mariés que vous n’avez autrefois eu d’évêques et de papes concubinaires, adultères, ou pédérastes : ce qu’on ne trouve plus aujourd’hui en aucun pays. Voilà pourquoi l’Église grecque, mère de l’Église latine, veut encore que les curés soient mariés. Voilà enfin pourquoi, moi qui vous parle, je suis marié, et j’ai le plus bel enfant du monde.

Et dites-moi, mon cher bachelier, n’aviez-vous pas dans votre Église sept sacrements de compte fait, qui sont tous des signes visibles d’une chose invisible ? Or un bachelier de Salamanque jouit des agréments du baptême dès qu’il est né ; de la confirmation dès qu’il a des culottes ; de la confession dès qu’il a fait quelques fredaines ; de la communion, quoique un peu différente de la nôtre, dès qu’il a treize ou quatorze ans ; de l’ordre quand il est tondu sur le haut de la tête, et qu’on lui donne un bénéfice de vingt, ou trente, ou quarante mille piastres de rente ; enfin

  1. Eusèbe, livre III, chapitre xxx. (Note de Voltaire.)
  2. C’est ce qu’on lit dans une édition de 1776 et dans les éditions de Kehl. Une édition de 1775 porte : « autres ens et ites. » C’est d’après l’erratum, quelquefois téméraire, de Kehl, que les éditeurs récents ont mis : autres en istes et en ites. (B.)