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LE BACHELIER.

Mais qu’est-ce donc qui vous importe ? Pensez-vous qu’il n’y ait que trois personnes en Dieu, ou qu’il y ait trois dieux en une personne ? La seconde personne procède-t-elle de la première personne, et la troisième procède-t-elle des deux autres, ou de la seconde intrinsecus, ou de la première seulement ? Le Fils a-t-il tous les attributs du Père, excepté la paternité ? et cette troisième personne vient-elle par infusion, ou par identification, ou par spiration ?

FREIND.

L’Évangile n’agite pas cette question, et jamais saint Jean n’écrit le nom de Trinité.

LE BACHELIER.

Mais vous me parler toujours de l’Évangile, et jamais de saint Bonaventure, ni d’Albert le Grand, ni de Tambourini, ni de Grillandus, ni d’Escobar.

FREIND.

C’est que je ne suis ni dominicain, ni cordelier, ni jésuite ; je me contente d’être chrétien.

LE BACHELIER.

Mais si vous êtes chrétien, dites-moi, en conscience, croyez-vous que le reste des hommes soit damné éternellement ?

FREIND.

Ce n’est point à moi à mesurer la justice de Dieu et sa miséricorde.

LE BACHELIER.

Mais enfin, si vous êtes chrétien, que croyez-vous donc ?

FREIND.

Je crois, avec Jésus-Christ, qu’il faut aimer Dieu et son prochain, pardonner les injures et réparer ses torts. Croyez-moi, adorez Dieu, soyez juste et bienfaisant : voilà tout l’homme. Ce sont là les maximes de Jésus. Elles sont si vraies qu’aucun législateur, aucun philosophe n’a jamais eu d’autres principes avant lui, et qu’il est impossible qu’il y en ait d’autres. Ces vérités n’ont jamais eu et ne peuvent avoir pour adversaires que nos passions.

LE BACHELIER.

Mais… ah ! ah ! à propos de passions, est-il vrai que vos évêques, vos prêtres, et vos diacres, vous êtes tous mariés ?

FREIND.

Cela est vrai. Saint Joseph, qui passa pour être père de Jésus, était marié. Il eut pour fils Jacques le Mineur, surnommé