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Il paraît à mon âme, qui s’ouvre toujours devant toi, que ces écrits et ces cultes n’ont rien pris les uns des autres : car nous sommes les seuls à qui Brama, confident de l’Éternel, ait enseigné la rébellion des créatures célestes, le pardon que l’Éternel leur accorde, et la formation de l’homme ; les autres peuples n’ont rien dit, ce me semble, de ces choses sublimes.

Je crois surtout que nous ne tenons rien, ni nous, ni les Chinois, des Égyptiens. Ils n’ont pu former une société policée et savante que longtemps après nous, puisqu’il leur a fallu dompter leur Nil avant de pouvoir cultiver les campagnes et bâtir leurs villes.

Notre Shasta divin n’a, je l’avoue, que quatre mille cinq cent cinquante-deux ans d’antiquité ; mais il est prouvé par nos monuments que cette doctrine avait été enseignée de père en fils plus de cent siècles avant la publication de ce sacré livre. J’attends sur cela les instructions de ta paternité.

Depuis la prise de Goa par les Portugais[1], il est venu quelques docteurs d’Europe à Bénarès. Il y en a un à qui j’enseigne la langue indienne ; il m’apprend en récompense un jargon qui a cours dans l’Europe, et qu’on nomme l’italien. C’est une plaisante langue. Presque tous les mots se terminent en a, en e, en i, en o ; je l’apprends facilement, et j’aurai bientôt le plaisir de lire les livres européans.

Ce docteur s’appelle le P. Fa tutto ; il paraît poli et insinuant : je l’ai présenté à Charme des yeux, la belle Adaté, que mes parents et les siens me destinent pour épouse ; elle apprend l’italien avec moi. Nous avons conjugué ensemble le verbe j’aime dès le premier jour. Il nous a fallu deux jours pour tous les autres verbes. Après elle, tu es le mortel le plus près de mon cœur. Je prie Birma et Brama de conserver tes jours jusqu’à l’âge de cent trente ans, passé lequel la vie n’est plus qu’un fardeau.


RÉPONSE
DE SHASTASID.


J’ai reçu ta lettre, esprit enfant de mon esprit. Puisse Drugha[2], montée sur son dragon, étendre toujours sur toi ses dix bras vainqueurs des vices !

  1. Les Portugais se sont emparés de Goa en 1510.
  2. Drugha est le mot indien qui signifie vertu. Elle est représentée avec dix