étranger se serait servi. Leurs prêtres sont cruels et absurdes. Il vaudrait mieux n’avoir point de lois, et n’écouter que la nature, qui a gravé dans nos cœurs les caractères du juste et de l’injuste, que de soumettre la société à des lois si insociables.
« Notre impératrice embrasse des projets entièrement opposés : elle considère son vaste État, sur lequel tous les méridiens viennent se joindre, comme devant correspondre à tous les peuples qui habitent sous ces différents méridiens. La première de ses lois a été la tolérance de toutes les religions, et la compassion pour toutes les erreurs. Son puissant génie a connu que si les cultes sont différents, la morale est partout la même ; par ce principe elle a lié sa nation à toutes les nations du monde, et les Cimmériens vont regarder le Scandinavien et le Chinois comme leurs frères. Elle a fait plus : elle a voulu que cette précieuse tolérance, le premier lien des hommes, s’établît chez ses voisins[1] ; ainsi elle a mérité le titre de mère de la patrie, et elle aura celui de bienfaitrice du genre humain, si elle persévère.
« Avant elle, des hommes malheureusement puissants envoyaient des troupes de meurtriers ravir à des peuplades inconnues et arroser de leur sang les héritages de leurs pères : on appelait ces assassins des héros ; leur brigandage était de la gloire. Notre souveraine a une autre gloire : elle a fait marcher des armées pour apporter la paix, pour empêcher les hommes de se nuire, pour les forcer à se supporter les uns les autres ; et ses étendards ont été ceux de la concorde publique. »
Le phénix, enchanté de tout ce que lui apprenait ce seigneur, lui dit : « Monsieur, il y a vingt-sept mille neuf cents années et sept mois que je suis au monde ; je n’ai encore rien vu de comparable à ce que vous me faites entendre. » Il lui demanda des nouvelles de son ami Amazan ; le Cimmérien lui conta les mêmes choses qu’on avait dites à la princesse chez les Chinois et chez les Scythes. Amazan s’enfuyait de toutes les cours qu’il visitait sitôt qu’une dame lui avait donné un rendez-vous auquel il craignait de succomber. Le phénix instruisit bientôt Formosante de cette nouvelle marque de fidélité qu’Amazan lui donnait : fidélité d’autant plus étonnante qu’il ne pouvait pas soupçonner que sa princesse en fût jamais informée.
- ↑ Il s’agit ici des affaires polonaises. Voyez l’Essai sur les dissensions des Églises de Pologne, dans les Fragments sur l’Histoire.