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LA PRINCESSE
DE BABYLONE


(1768)



CHAPITRE I[1].

DESCRIPTION DU PALAIS DU ROI DE BABYLONE, PÈRE DE LA BELLE BABYLONIENNE. PORTRAIT DE CETTE INCOMPARABLE BEAUTÉ. ORACLE QUI ORDONNE SON MARIAGE, ET À QUELLES CONDITIONS. TROIS ROIS SE PRÉSENTENT POUR L’OBTENIR. ARRIVÉE D’UN QUATRIÈME PRÉTENDANT.


Le vieux Bélus, roi de Babylone, se croyait le premier homme de la terre : car tous ses courtisans le lui disaient, et ses historiographes le lui prouvaient. Ce qui pouvait excuser en lui ce ridicule, c’est qu’en effet ses prédécesseurs avaient bâti Babylone plus de trente mille ans avant lui, et qu’il l’avait embellie. On sait que son palais et son parc, situés à quelques parasanges[2] de Babylone, s’étendaient entre l’Euphrate et le Tigre, qui baignaient ces rivages enchantés. Sa vaste maison, de trois mille pas de façade, s’élevait jusqu’aux nues. La plate-forme était entourée d’une balustrade de marbre blanc de cinquante pieds de hauteur, qui portait les statues colossales de tous les rois et de tous les grands hommes de l’empire. Cette plate-forme, composée de deux rangs de briques couvertes d’une épaisse surface de plomb d’une extrémité à l’autre, était chargée de douze pieds de terre,

  1. Les sommaires placés en tête de chaque chapitre sont ceux de l’édition parue sous ce titre : Voyages et Aventures d’une princesse babylonienne, pour servir de suite à ceux de Scarmentado, par un vieux philosophe qui ne radote pas toujours (1 vol. in-8o. Genève, 1768).
  2. Le parasange est une mesure itinéraire de Perse, qui équivaut à trois lieues de France. (Note de l’édition de 1768 avec sommaires.)