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gneur, il n’y a rien de plus aisé et de plus ordinaire, et vous auriez pu réellement faire le tour du monde, et avoir beaucoup plus d’aventures en bien moins de temps.

« N’est-il pas vrai que vous pouvez lire en une heure l’abrégé de l’histoire des Perses, écrite par Zoroastre ? cependant cet abrégé contient huit cent mille années. Tous ces événements passent sous vos yeux l’un après l’autre en une heure ; or vous m’avouerez qu’il est aussi aisé à Brama de les resserrer tous dans l’espace d’une heure que de les étendre dans l’espace de huit cent mille années ; c’est précisément la même chose. Figurez-vous que le temps tourne sur une roue dont le diamètre est infini. Sous cette roue immense sont une multitude innombrable de roues les unes dans les autres ; celle du centre est imperceptible, et fait un nombre infini de tours précisément dans le même temps que la grande roue n’en achève qu’un. Il est clair que tous les événements, depuis le commencement du monde jusqu’à sa fin, peuvent arriver successivement en beaucoup moins de temps que la cent millième partie d’une seconde ; et on peut dire même que la chose est ainsi.

— Je n’y entends rien, dit Rustan. — Si vous voulez, dit Topaze, j’ai un perroquet qui vous le fera aisément comprendre. Il est né quelque temps avant le déluge, il a été dans l’arche ; il a beaucoup vu ; cependant il n’a encore qu’un an et demi : il vous contera son histoire, qui est fort intéressante.

— Allez vite chercher votre perroquet, dit Rustan ; il m’amusera jusqu’à ce que je puisse me rendormir. — Il est chez ma sœur la religieuse, dit Topaze ; je vais le chercher, vous en serez content ; sa mémoire est fidèle, il conte simplement, sans chercher à montrer de l’esprit à tout propos, et sans faire des phrases. — Tant mieux, dit Rustan, voilà comme j’aime les contes. » On lui amena le perroquet, lequel parla ainsi.


N. B. Mlle  Catherine Vadé n’a jamais pu trouver l’histoire du perroquet dans le portefeuille de feu son cousin Antoine Vadé, auteur de ce conte. C’est grand dommage, vu le temps auquel vivait ce perroquet. (Note de Voltaire) — Cette note existe dès 1764. (B.)

FIN DE L’HISTOIRE LE BLANC ET LE NOIR.