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« Laissez-vous désarmer, dit-il, ou je vous tue. » Itobad, toujours surpris des disgrâces qui arrivaient à un homme comme lui, laissa faire Zadig, qui lui ôta paisiblement son magnifique casque, sa superbe cuirasse, ses beaux brassards, ses brillants cuissards ; s’en revêtit, et courut dans cet équipage se jeter aux genoux d’Astarté. Cador prouva aisément que l’armure appartenait à Zadig. Il fut reconnu roi d’un consentement unanime, et surtout de celui d’Astarté, qui goûtait, après tant d’adversités, la douceur de voir son amant digne aux yeux de l’univers d’être son époux. Itobad alla se faire appeler monseigneur dans sa maison. Zadig fut roi, et fut heureux. Il avait présent à l’esprit ce que lui avait dit l’ange Jesrad. Il se souvenait même du grain de sable devenu diamant. La reine et lui adorèrent la Providence. Zadig laissa la belle capricieuse Missouf courir le monde. Il envoya chercher le brigand Arbogad, auquel il donna un grade honorable dans son armée, avec promesse de l’avancer aux premières dignités s’il se comportait en vrai guerrier, et de le faire pendre s’il faisait le métier de brigand.

Sétoc fut appelé du fond de l’Arabie, avec la belle Almona, pour être à la tête du commerce de Babylone. Cador fut placé et chéri selon ses services ; il fut l’ami du roi, et le roi fut alors le seul monarque de la terre qui eût un ami. Le petit muet ne fut pas oublié. On donna une belle maison au pêcheur. Orcan fut condamné à lui payer une grosse somme et à lui rendre sa femme ; mais le pêcheur, devenu sage, ne prit que l’argent.

Ni la belle Sémire ne se consolait d’avoir cru que Zadig serait borgne, ni Azora ne cessait de pleurer d’avoir voulu lui couper le nez. Il adoucit leurs douleurs par des présents. L’Envieux mourut de rage et de honte. L’empire jouit de la paix, de la gloire, et de l’abondance ; ce fut le plus beau siècle de la terre : elle était gouvernée par la justice et par l’amour. On bénissait Zadig, et Zadig bénissait le Ciel[1].

FIN DE L’HISTOIRE DE ZADIG.
  1. C’est ici que finit le manuscrit qu’on a retrouvé de l’histoire de Zadig. On sait qu’il a essuyé bien d’autres aventures qui ont été fidèlement écrites. On prie messieurs les interprètes des langues orientales de les communiquer, si elles parviennent jusqu’à eux. (Note de Voltaire.) — Cette note parut pour la première fois dans les éditions de Kehl. (B.)