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MIRACLES.

que cet ambassadeur ressuscitât des morts, que diraient nos prêtres ?

Il blasphème l’incarnation, la résurrection, l’ascension de Jésus-Christ, suivant les mêmes principes[1]. Il appelle ces miracles l’imposture la plus effrontée et la plus manifeste qu’on ait jamais produite dans le monde. « The most manifest, and the most bare-faced imposture that ever was put upon the world. »

Ce qu’il y a peut-être de plus étrange encore, c’est que chacun de ses discours est dédié à un évêque. Ce ne sont pas assurément des dédicaces à la française ; il n’y a ni compliment ni flatterie : il leur reproche leur orgueil, leur avarice, leur ambition, leurs cabales ; il rit de les voir soumis aux lois de l’État comme les autres citoyens.

À la fin ces évêques, lassés d’être outragés par un simple membre de l’Université de Cambridge, implorèrent contre lui les lois auxquelles ils sont assujettis. Ils lui intentèrent procès au banc du roi par-devant le lord-justice Raymond, en 1729. Woolston fut mis en prison, et condamné à une amende et à donner caution pour cent cinquante livres sterling. Ses amis fournirent la caution, et il ne mourut point en prison, comme il est dit dans quelques-uns de nos dictionnaires faits au hasard. Il mourut chez lui, à Londres, après avoir prononcé ces paroles : « This is a pass that every man must come to. — C’est un pas que tout homme doit faire. » Quelque temps avant sa mort, une dévote, le rencontrant dans la rue, lui cracha au visage ; il s’essuya, et la salua. Ses mœurs étaient simples et douces : il s’était trop entêté du sens mystique, et avait blasphémé le sens littéral ; mais il est à croire qu’il se repentit à la mort, et que Dieu lui a fait miséricorde.

En ce même temps parut en France le testament de Jean Meslier, curé de But et d’Étrepigny en Champagne, duquel nous avons déjà parlé à l’article Contradictions.

C’était une chose bien étonnante et bien triste que deux prêtres écrivissent en même temps contre la religion chrétienne. Le curé Meslier est encore plus emporté que Woolston ; il ose traiter le transport de notre Sauveur par le diable sur la montagne, la noce de Cana, les pains et les poissons, de contes absurdes, injurieux à la Divinité, qui furent ignorés pendant trois cents ans de tout l’empire romain, et qui enfin passèrent de la canaille jusqu’au palais des empereurs, quand la politique les obligea d’adopter les folies du peuple pour le mieux subjuguer. Les décla-

  1. Tome II, discours vi, page 27. (Note de Voltaire.)