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MIRACLES.
SECTION III[1].

Un gouvernement théocratique ne peut être fondé que sur des miracles ; tout doit y être divin. Le grand souverain ne parle aux hommes que par des prodiges ; ce sont là ses minisires et ses lettres patentes. Ses ordres sont intimés par l’Océan, qui couvre toute la terre pour noyer les nations, ou qui ouvre le fond de son abîme pour leur donner passage.

Aussi vous voyez que dans l’histoire juive tout est miracle depuis la création d’Adam et la formation d’Ève, pétrie d’une côte d’Adam, jusqu’au melch ou roitelet Saül.

Au temps de ce Saul, la théocratie partage encore le pouvoir avec la royauté. Il y a encore par conséquent des miracles de temps en temps ; mais ce n’est plus cette suite éclatante de prodiges qui étonnent continuellement la nature. On ne renouvelle point les dix plaies d’Égypte : le soleil et la lune ne s’arrêtent point en plein midi pour donner le temps à un capitaine d’exterminer quelques fuyards déjà écrasés par une pluie de pierres tombées des nues. Un Samson n’extermine plus mille Philistins avec une mâchoire d’âne. Les ânesses ne parlent plus, les murailles ne tombent plus au son du cornet, les villes ne sont plus abîmées dans un lac par le feu du ciel, la race humaine n’est plus détruite par le déluge. Mais le doigt de Dieu se manifeste encore ; l’ombre de Saül apparaît à une magicienne. Dieu lui-même promet à David qu’il défera les Philistins à Baal-pharasim.

« Dieu assemble son armée céleste du temps d’Achab, et demande aux esprits[2] : Qui est-ce qui trompera Achab, et qui le fera aller à la guerre contre Ramoth en Galgala ? Et un esprit s’avança devant le Seigneur, et dit : Ce sera moi qui le tromperai. » Mais ce ne fut que le prophète Michée qui fut témoin de cette conversation ; encore reçut-il un soufflet d’un autre prophète nommé Sédékias, pour avoir annoncé ce prodige.

Des miracles qui s’opèrent aux yeux de toute la nation, et qui

  1. Voyez la note, page 82.
  2. Rois, livre III, chapitre xxii. (Note de Voltaire.)