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MESSE.

étaient présents, en leur disant : Que mon partage soit le vôtre, et que le vôtre soit le mien. Cette manière de célébrer l’eucharistie, qui veut dire action de grâces, est plus conforme à l’institution de cette cérémonie.

En effet, saint Luc[1] nous apprend que Jésus, après avoir distribué du pain et du vin à ses apôtres qui soupaient avec lui, leur dit : Faites ceci en mémoire de moi. Saint Matthieu[2] et saint Marc[3] disent de plus que Jésus chanta une hymne. Saint Jean, qui ne parle dans son Évangile ni de la distribution du pain et du vin, ni de l’hymne, s’étend fort au long sur ce dernier article dans ses Actes, dont voici le texte cité par le second concile de Nicée[4] :

Avant que le Seigneur fût pris par les Juifs, dit cet apôtre bien-aimé de Jésus, il nous assembla tous et nous dit : Chantons une hymne à l’honneur du Père, après quoi nous exécuterons le dessein que nous avons formé. Il nous ordonna donc de faire un cercle, et de nous tenir tous par la main ; puis s’étant mis au milieu du cercle, il nous dit : Amen, suivez-moi. Alors il commença le cantique, et dit : Gloire vous soit donnée, ô Père ! Nous répondîmes tous Amen. Jésus continua à dire : Gloire au Verbe, etc., gloire à l’Esprit, etc., gloire à la grâce ; les apôtres répondaient toujours : Amen.

Après quelques autres doxologies, Jésus dit : Je veux être sauvé et je veux sauver : Amen. Je veux être délié et je veux délier[5] : Amen. Je veux être blessé et je veux blesser : Amen. Je veux naître et je veux engendrer : Amen. Je veux manger et je veux être consumé : Amen. Je veux être écouté et je veux écouter : Amen. Je veux être compris de l’esprit, étant tout esprit, toute intelligence : Amen. Je veux être lavé et je veux laver : Amen. La grâce mène la danse, je veux jouer de la flûte ; dansez tous : Amen. Je veux chanter des airs lugubres, lamentez-vous tous : Amen.

Saint Augustin, qui commente une partie de cette hymne dans son épître[6] à Ceretius, rapporte de plus ce qui suit : Je veux parer et être paré. Je suis une lampe pour ceux qui me voient et qui me connaissent. Je suis la porte pour tous ceux qui veulent y frapper. Vous qui voyez ce que je fais, gardez-vous bien d’en parler.

Cette danse de Jésus et des apôtres est visiblement imitée de celle des thérapeutes d’Égypte, lesquels après le souper dansaient dans leurs assemblées, d’abord partagés en deux chœurs, puis

  1. Chapitre xxii , v. 10. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre xxvi, v. 30. (Id.)
  3. Chapitre xiv, v. 26. (Id.)
  4. Col. 358. (Note de Voltaire.)
  5. Voyez l’article Adorer, tome XVII, page 62.
  6. Épit. 237. (Note de Voltaire.)