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XÉNOPHON.

Je veux que Pythagore ait exprimé par des nombres des rapports très-mal connus, et qu’il ait cru que la nature avait bâti le monde par des règles d’arithmétique ; je consens qu’Ocellus Lucanus et Empédocle aient tout arrangé par des forces motrices antagonistes : quel fruit en recueillerai-je ? quelle notion claire sera entrée dans mon faible esprit ?

Venez, divin Platon, avec vos idées archétypes, vos androgynes, et votre verbe ; établissez ces belles connaissances en prose poétique dans votre république nouvelle, où je ne prétends pas plus avoir une maison que dans la Salente du Télémaque ; mais au lieu d’être un de vos citoyens, je vous enverrai, pour bâtir votre ville, toute la matière subtile de Descartes, toute sa matière globuleuse et toute sa rameuse, que je vous ferai porter par Cyrano de Bergerac[1].

Bayle a pourtant exercé toute la sagacité de sa dialectique sur vos antiques billevesées ; mais c’est qu’il en tirait toujours parti pour rire des sottises qui leur succédèrent.

Ô philosophes ! les expériences de physique bien constatées, les arts et métiers, voilà la vraie philosophie. Mon sage est le conducteur de mon moulin, lequel pince bien le vent, ramasse mon sac de blé, le verse dans la trémie, le moud également, et fournit à moi et aux miens une nourriture aisée. Mon sage est celui qui, avec la navette, couvre mes murs de tableaux de laine ou de soie, brillants des plus riches couleurs ; ou bien celui qui met dans ma poche la mesure du temps en cuivre et en or. Mon sage est l’investigateur de l’histoire naturelle. On apprend plus dans les seules expériences de l’abbé Nollet que dans tous les livres de l’antiquité.



XÉNOPHON[2].
ET LA RETRAITE DES DIX-MILLE.

Quand Xénophon n’aurait eu d’autre mérite que d’être l’ami du martyr Socrate, il serait un homme recommandable ; mais il était guerrier, philosophe, poëte, historien, agriculteur, aimable dans la société ; et il y eut beaucoup de Grecs qui réunirent tous ces mérites.

  1. Plaisant assez mauvais et un peu fou. (Note de Voltaire.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)