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VISION DE CONSTANTIN.

prier Dieu pour toi, seras-tu moins damnée ? Frappe cinq coups pour nous le certifier » ; et l’âme le certifia par cinq coups.

Cet interrogatoire de l’âme, fait par Pierre d’Arras, fut signé par vingt-deux cordeliers, à la tête desquels était le révérend Père provincial. Ce Père provincial lui fit, le lendemain, les mêmes questions, et il lui fut répondu de même.

On dira que, l’âme ayant déclaré qu’elle était en purgatoire, les cordeliers ne devaient pas la supposer en enfer ; mais ce n’est pas ma faute si des théologiens se contredisent.

Le seigneur de Saint-Mesmin présenta requête au roi contre les Pères cordeliers. Ils présentèrent requête de leur côté ; le roi délégua des juges, à la tête desquels était Adrien Fumée, maître des requêtes.

Le procureur général de la commission requit que lesdits cordeliers fussent brûlés ; mais l’arrêt ne les condamna qu’à faire tous amende honorable la torche au poing, et à être bannis du royaume. Cet arrêt est du 18 février 1534.

Après une telle vision, il est inutile d’en rapporter d’autres : elles sont toutes ou du genre de la friponnerie, ou du genre de la folie. Les visions du premier genre sont du ressort de la justice ; celles du second genre sont ou des visions de fous malades, ou des visions de fous en bonne santé. Les premières appartiennent à la médecine, et les secondes aux petites-maisons.



VISION DE CONSTANTIN.


De graves théologiens n’ont pas manqué d’alléguer des raisons spécieuses pour soutenir la vérité de l’apparition de la croix au ciel ; mais nous allons voir que leurs arguments ne sont point assez convaincants pour exclure le doute, les témoignages qu’ils citent en leur faveur n’étant d’ailleurs ni persuasifs, ni d’accord entre eux.

Premièrement, on ne produit d’autres témoins que des chrétiens, dont la déposition peut être suspecte dans ce cas où il s’agit d’un fait qui prouverait la divinité de leur religion. Comment aucun auteur païen n’a-t-il fait mention de cette merveille, que toute l’armée de Constantin avait également aperçue ? Que Zosime, qui semble avoir pris à tâche de diminuer la gloire de Constantin, n’en ait rien dit, cela n’est pas surprenant ; mais ce qui paraît étrange est le silence de l’auteur du Panégyrique de Constantin, prononcé en sa présence, à Trêves, dans lequel ce