dire sans penchant au crime. Il fallait jouter contre ces beaux vers de Quinault :
Le destin de Médée est d’être criminelle :
Mais son cœur était fait pour aimer la vertu.
Vertueux sans dessein : sans quel dessein ? Est-ce sans dessein d’être vertueux ? Il est impossible de tirer de ces vers un sens raisonnable.
Comment le même homme qui vient de dire qu’il est vertueux, quoique sans dessein, peut-il dire qu’il n’aime point la vertu ? Avouons que tout cela est un étrange galimatias, et que Boileau avait raison.
Par un don de César je suis roi d’Arménie,
Parce qu’il croit par moi détruire l’Ibérie.
Boileau avait dit :
Fuyez des mauvais sons le concours odieux.
Certes, ce vers Parce qu’il croit par moi devait révolter son oreille.
Le dégoût et l’impatience de ce grand critique étaient donc très-excusables. Mais s’il avait entendu le reste de la pièce il y aurait trouvé des beautés, de l’intérêt, du pathétique, du neuf, et plusieurs vers dignes de Corneille.
Il est vrai que dans un ouvrage de longue haleine on doit pardonner à quelques vers mal faits, à quelques fautes contre la langue ; mais en général un style pur et châtié est absolument nécessaire. Ne nous lassons point de citer l’Art poétique ; il est le code, non-seulement des poëtes, mais même des prosateurs :
Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme,
Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme.
Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain.
On peut être sans doute très-ennuyeux en écrivant bien ; mais on l’est bien davantage en écrivant mal.